Matt Earle / Jason Kahn / Adam Sussmann - Daught (consumer waste, 2012)
Peut-être certains d'entre vous ont déjà entendu ce trio paru l'année dernière en édition gratuite sur le label Avant Whatever (que vous pouvez trouver ici si ça vous intéresse). Sinon, pour les présenter rapidement, il s'agit d'un côté des deux membres du duo Stasis, soit Matt Earle (aka Muura) & Adam Sussmann, accompagnés ici par l'artiste sonore et improvisateur Jason Kahn. Sur ces deux pièces enregistrées à l'occasion d'une tournée en Australie, les trois artistes sonores utilisent tous différentes installations électriques et électroniques (tables de mixage en circuit fermé, radio, synthétiseurs analogiques, etc.).
Il s'agit donc de deux pièces pas évidentes à décrire, deux pièces où tout le monde se répond par des bruits parasites souvent, par des larsens, des grésillements, crépitements, fréquences radio, infrabasses, etc. Quarante minutes d'improvisation électronique glitch et minimale, où les défauts techniques des machines et les résidus sonores occupent le tout premier plan. L'originalité de ce duo est de parvenir à créer une musique dense et riche, tout en étant calme et espacée. Ils ne jouent que rarement fort, tout le monde ne joue pas en même temps, et seuls quelques éléments sonores simples s'imbriquent et se superposent. Une accumulation épurée de matériaux crades, en constante évolution et mutation. On ne sait jamais trop où est-ce qu'on est ni ou est-ce qu'ils vont nous emmener. Le trio parvient à surprendre et à déjouer l'agression sonore pour produire une musique simple et dense, intense et calme simultanément. Deux bonnes performances plutôt singulières.
Richard Francis / Jason Kahn / Bruce Russell - Dunedin (CMR, 2012)
Quittons l'Australie pour Dunedin en Nouvelle-Zélande où a eu lieu cette étonnante rencontre en janvier 2011. Un court (mais excellent!) enregistrement live en compagnie de Richard Francis (synthétiseur modulaire, ordinateur), Jason Kahn (synthétiseur analogique, radio, table de mixage) et Bruce Russell (électronique analogique).
Cette fois, nous n'avons qu'une seule pièce, où les trois univers électriques s’accommodent merveilleusement. Une strate de boucles obsédantes qui donneront le tempo tout au long de la pièce, tissant ainsi un fil conducteur difficilement perturbé, une autre de larsens, une de crépitements radiophoniques, quelques fractures momentanées de bruit blanc, rose, etc. La pièce improvisée ici se fait dans un équilibre étonnant, il s'agit d'un long flux continu qui n'est cependant pas exempt de ruptures (sautes d'intensités, puissance réduite ou augmentée brutalement), les trois musiciens et leur univers sonores respectifs sont différents et variés, mais ils parviennent tout de même à créer une entité sonore qui a quelque chose de monolithique. Le continu et le discontinu, l'un et le multiple, le divisible et l'indivisible, l'ordre et le chaos: voici une manière sensible et musicale de répondre à des dilemmes métaphysiques. Musicale et bruitiste car le trio joue là aussi avant tout sur les imperfections de chaque machine, sur les défauts, les détritus et les défaillances techniques et acoustiques des instruments apportés.
Une très bonne performance plutôt dense et riche, où l'on s'immerge facilement dans cet univers sonore particulier et envoutant, mais aussi très intense. Recommandé.