Thanos Chrysakis/James O'Sullivan/Jerry Wigens - Syneuma (Aural Terrains, 2012)
Le label Aural Terrains nous propose ici un trio purement instrumental avec Thanos Chrysakis au piano, James O'Sullivan à la guitare et Jerry Wigens à la clarinette. Un trio assez étrange, au son peu commun en fait. Déjà le mixage est basé sur un volume plutôt bas, trop bas à mon goût pour ce genre de musique. Car il s'agit effectivement d'improvisation libre assez énergique dans l'ensemble, même si certains passages sont plutôt atmosphériques. Dans l'ensemble, ces trois musiciens londoniens improvisent une musique atonale et rythmique, qui paraît étrangement assez vieillotte. D'une part à cause de ce mixage étrange, mais également je pense à cause d'une sorte de désintérêt général pour le son (bon d'accord, "désintérêt" c'est un peu fort), et d'une absence quasiment totale de techniques étendues (hormis l'exploration de l'intérieur du piano par Chrysakis).
Comme dans la tradition européenne, le trio semble s'intéresser principalement à l'interaction et aux réactions spontanées, sans non plus rejeter toutes formes de structure préétablie. Il semble y avoir en effet une interaction entre composition et improvisation. Par rapport à la conception du groupe, les trois voix sont personnalisées, individuelles et largement reconnaissables presque tout au long de ces 45 minutes. Enfin dans l'ensemble, je reste plutôt mitigé devant cette suite d'improvisations qui manquent un peu trop de relief, de dynamisme et d'énergie à mon goût.
Sébastien Branche, Thanos Chrysakis, Tom Soloveitzik, James O'Sullivan, Artur Vidal, Jerry Wigens - Magnetic River (Aural Terrains, 2012)
Publié en même temps que Syneuma, Magnetic River est une suite d'improvisations pour six musiciens qui m'a déjà beaucoup plus enthousiasmé. Le trio précédent - Thanos Chrysakis (ordinateur, électronique et piano), James O'Sullivan (guitare), Jerry Wigens (clarinettes) - est toujours présent et accompagné de trois saxophonistes: Artur Vidal (saxophone alto), Sébastien Branche (saxophone ténor) et Tom Soloveitzik (saxophone ténor). J'ai déjà chroniqué les trois premiers musiciens, mais je ne connais pas le saxophoniste israélien Soloveitzik, tandis que Vidal et Branche font partie de l'excellent duo Relentless, un groupe très axé sur l'acoustique de l'environnement et les résonances exceptionnelles.
Sur Magnetic River, ce sont bien les saxos - et la clarinette de Wigens - qui semblent être la base de chaque improvisation. Une nappe de vents est le fondement sur laquelle chaque musicien va s'intégrer à la texture collective. Car l'improvisation ici est plutôt axée sur le son collectif et les textures où chaque instrument est assimilé et mélangé plus que sur la personnalité du son. Ceci-dit, il ne s'agit pas que d'un bourdon ou de flux continus, car - à commencer par l'alto de Vidal - régulièrement, un instrument se détache, une note incisive et forte surgit, jusqu'à la dernière piste où tous les instruments se détachent pour une improvisation collective plus chaotique. Oui, une grande importance est accordée aux textures et à l'entremêlement des timbres, mais aussi une grande attention aux reliefs et aux ponctuations permet à la musique de ne jamais s'embourber dans un bourdon minimaliste facile. Ces cinq pièces parviennent ainsi à retenir l'attention au-delà des micro-variations qu'elles présentent, il y a tout un jeu de tension produit par les ponctuations et les changements brusques de variations. En plus d'une production de textures assez singulières et aventureuses.
Un sextet de musiciens jeunes et moins jeunes, qui nous offrent une musique chaleureuse, dense, riche, et créative.