Steve Beresford, Martin Küchen,
Ståle Liavik Solberg – Three Babies (Peira,
2013)
Le café OTO, en octobre 2012, haut
lieu de diffusion des musiques nouvelles en Europe, a pu accueillir un trio
énergique et fertile, anglais, suédois et norvégien : Steve Beresford
(piano, synthétiseur analogique, objets), Martin Küchen (saxophone sopranino)
et Ståle Liavik Solberg (batterie, percussions). Une rencontre bienheureuse.
Bon, ce n’est pas une rencontre
aussi personnelle et singulière que les travaux de Küchen en solo, on est ici
en plein dans l’improvisation libre non-idiomatique et très réactive, mais la
réunion de ces trois personnalités est quand même une réussite dans le genre.
Tout d’abord, l’utilisation exclusive du sopranino par Küchen, ce saxophone au
timbre si singulier, nasillard et parfois proche du jouet, qui donne une
puissance, une énergie et un humour importants durant cette performance – ce
qui à certains moments n’était pas sans me rappeler le trio Brötzmann/Van
Hove/Bennink, un de mes disques préférés. Le saxophone sopranino, un instrument
qui, soit dit en passant, colle parfaitement avec le synthétiseur analogique –
oui l’instrumentation de ce trio est au plus près de mes attentes je crois. Et
ensuite, le dialogue qui s’élabore avec les claviers et les percussions, un
dialogue où personne ne prend le dessus, où batterie piano savent se mettre en
retrait, et où chacun sait mettre en avant ses proches. Les percussions ont un
quelque chose de primitif à certains moments, quand elles ne se font pas
exploratrices soniques. Quant aux claviers, que ce soit au piano, au piano
préparé ou au synthétiseur, Steve Beresford joue beaucoup sur les variations de
dynamiques et d’intensités, sans jamais saturer l’espace sonore. Mais c’est
aussi tout un jeu d’équilibre entre les moments de haute tension et les moments
de pure détente, du calme à la tempête, de
la contemplation sonique à la fureur collective. L’équilibre est aussi
méthodologique et interactif, dans la mesure où les trois musiciens alternent
constamment les interventions individuelles et en opposition avec des
interventions collectives et symbiotiques.
Trois improvisations assez intenses,
denses et énergiques, variées et équilibrées. Mais surtout, virtuoses, avec une
bonne dose d’humour et de joie. Un très bon exercice d’improvisation libre où
les idées foisonnent et où le bonheur de la rencontre est nettement ressenti.
[présentation, informations & extrait: http://www.peira.net/pm19.html]
Jeremiah Cymerman & Frantz Loriot - Seven Bridges (Peira, 2013)
Un violon (Frantz Loriot), une clarinette (Jeremiah Cymerman). Deux instruments classiques par excellence pour une musique qui veut à tout prix rompre avec les traditions. D'emblée, le ton est donné en trente secondes. La clarinette hurle, crie, ravage, et le violon racle, torture et triture les cordes jusqu'à l'explosion d'harmoniques suraiguës. Déluge, rafale, un mur de son acoustique tout aussi massif que de la noise. Une introduction vraiment brutale qui prend rapidement fin et laisse place à une séquence beaucoup plus calme et minimaliste. Avant un nouvel assaut.
Durant cette unique pièce de trente minutes, les séquences se succèdent, de la tempête à l'accalmie, de la passivité à la rage, de la contemplation du son à la torture de l'instrument. Les deux musiciens explorent toutes les possibilités techniques et acoustiques de leur instrument, les techniques étendues foisonnent, à la vitesse des idées et des réponses. Une musique réactive, spontanée, qui hurle, regarde, crie, se calme, et repart. Repart où? là où la spontanéité le décide. Musique instinctive où l'inconscient se décharge. Des improvisations cathartiques et violentes, dures, fortes, très tendues et énergiques.
[présentation, informations & extrait: http://www.peira.net/pm18.html]