Depuis une vingtaine d'années maintenant, l'ensemble TonArt explore différente formes d'improvisation collective, à travers des partitions graphiques quelque fois, ou de manière spontanée à d'autres moments. Le collectif a déjà collaboré avec quelques uns des grands noms de la musique improvisée, de l'improvisation libre et/ou non-idiomatique, tout en explorant différentes instrumentations et formations possibles. Pour Murmurios, publié en 2010 chez creative sources, l'altiste portugais Ernesto Rodrigues est invité par neuf des musiciens de l'ensemble allemand: Georgia Ch. Hoppe (clarinette, mandoline préparée, objets), Robert Klammer (cithare, électronique, synthétiseur analogique, objets), Nicola Kruse (violon), Heiner Metzger (soundtable), Helmuth Neumann (trompette, ventil-horn), Thomas Niese (contrebasse), Thomas Österheld (clarinette basse), Krischa Weber (violoncelle) et Hannes Wienert (saxophone soprano, trompsax, sheng, tube).
La première improvisation de ce large ensemble, une pièce de près de 40 minutes, explore les timbres et les textures des différents groupes d'instrument et des différents modes de jeux, de manière uniquement acoustique. L'orchestre choisit ici de n'explorer que les propriétés des instruments traditionnels et acoustiques (hormis quelques légères interventions bruitistes, tout de même très sporadiques). Une masse de vents succède aux cordes pincées de manière percussive, le groupe se décompose au profit d'interventions personnelles très courtes, très pointillistes et intègre le silence à l'improvisation, pour petit à petit se diriger vers une improvisation de plus en plus forte, large et massive, avant évidemment de retomber dans des formes d'improvisations plus restreintes et plus calmes. Tout paraît un peu brouillon aux premières écoutes, car on trouve de nombreuses idées et de nombreuses esthétiques (atonales, répétitives, minimalistes, spontanées, mélodiques), mais au fil du temps, c'est un sens de la structure étonnant et équilibré qui se dégage. Autant d'éléments esthétiques utilisés en fait pour s'opposer et s'équilibrer les uns les autres.
Avec la deuxième pièce (qui dure celle-ci 17 minutes), l'ambiance est d'emblée plus intense. Une introduction avec des riffs de cordes pulsés, rapides et tendus, avant de passer à l'introduction du synthétiseur qui augmente grandement l'ambitus et les textures de l'ensemble. Ce dernier paraît en profiter pour tout lâcher durant cette improvisation plus urgente et spontanée, mais plus marquée par l'eai et les techniques instrumentales étendues. Des influences modernes et récentes, mais aussi plus anciennes, car c'est aussi l'esprit des improvisations collectives qui ont donné naissance au free jazz qu'on semble parfois entendre ici. Je pense notamment à l'urgence, à la véhémence, à la réactivité et à la passion des musiciens engagés dans cette improvisation vraiment puissante.
De la pure improvisation collective riche et variée, inventive et intense, qui parvient aussi bien à explorer des atmosphères très massives et puissantes, que calmes et aérées. Conseillé.