OLIVIER DUMONT & RODOLPHE LOUBATIÈRE - Mouture (Obs, 2013) |
Ce n'est pas très long, mais il n'en fallait pas plus. Dumont & Loubatière proposent ici un disque dans la "tradition" de l'improvisation libre post-AMM. Tout se joue sur les couleurs, les timbres et les textures. Caisse claire et cymbales frottées, jeu sur les micro-contacts de la guitare, e-bow et objets : Dumont & Loubatière explorent des idées abstraites et souvent rugueuses sur les instruments. Le duo se libère des codes et des normes pour explorer le bruit, le son pur - libéré des contraintes instrumentales. Le résultat est une musique linéaire et noisy, assez calme et brute.
Des improvisations libres abstraites et bruitistes, basées sur une certaine spontanéité, qui ne se veulent pas forcément originales je pense, mais qui proposent des idées parfois singulières, toujours longuement tenues, et honnêtes.
PAAL NILSSEN-LOVE & MATS GUSTAFSSON - Con-gas (Bocian, 2013) |
Ce qui fait la particularité de ce disque est ce qui lui donne son titre : l'utilisation exclusive des congas par le percussionniste Nilssen-Love. Mais c'est aussi ce qui fait sa faiblesse : Nilssen-Love joue sur les couleurs, sur les volumes des congas, et conserve les techniques traditionnelles. Je ne sais pas si ça manque de professionnalisme, mais Nilssen-Love semble vite limité par l'instrument, à moins qu'il ne soit vite à court d'idées. Heureusement, Gustafsson est là, fidèle à lui-même, pour assurer les arrières - aussi bien que les offensives d'ailleurs. Ce dernier fait hurler le saxophone basse, le fait éructer, et n'est jamais à court d'énergie ni d'idées. Un saxophone puissant, féroce et énergique - encore plus sauvage grâce aux possibilités caverneuses du saxophone basse. Un saxophone qui remonte bien le niveau, et pour la curiosité, Gustafsson utilise également un saxophone à coulisse sur la dernière piste où il peut ainsi s'adonner à coeur joie au slap et glissando plastifiés, et autres singularités et possibilités de cet instrument peu commun.
Du free jazz assez particulier et plutôt innovant, puissant et sauvage comme ce duo le laisse présager : pas mal du tout.
Même s'il est de moins en moins utilisé, le saxophone reste certainement encore aux musiques improvisées ce que la guitare est au rock : un instrument de prédilection, voire un instrument fétiche. C'est presque devenu courageux et audacieux d'oser sortir un solo de saxophone aujourd'hui. Mais certains résistent et persistent, tel Sébastien Branche pour ce solo de saxophone intitulé Ligne Irrégulière.
Un titre bien illustré par la pochette, mais qui résume aussi bien ces cinq improvisations. Chaque pièce est composée et basée principalement sur une note, ou un souffle, une note tenue comme un drone pour quelques minutes. Cette note trace la ligne tenue donc, tandis que les variations de la colonne d'air, les accidents du souffle continu et divers objets placés dans le corps du saxophone provoquent les irrégularités mentionnées dans le titre. Sébastien Branche maîtrise en grande partie chaque pièce, il sait où il va, comment, et pour combien de temps, tout en laissant le hasard et les accidents déterminer chaque relief, chaque aspérité et chaque possibilité de la ligne primordiale. Le son est contemplé et utilisé comme s'il pouvait être autonome, comme si tout en se pliant à la volonté de Sébastien Branche, il pouvait aussi la dépasser et la surpasser. Ce qui, de fait, arrive à certains moments, les plus magiques : du fait de cette autonomie qu'acquiert le son à l'instar du saxophoniste.
Ainsi, le solo de saxophone a encore un sens, l'instrument n'a pas été encore dépouillé : il suffit simplement de l'explorer lui-même, de le laisser s'exprimer (à travers seulement quelques filtres parfois) plutôt que d'explorer une foule de techniques étendues. Un solo assez minimaliste qui rejoint par certains aspects Seijiro Murayama, et encore plus Cyril Bondi, sans être très loin non plus de Lucio Capece pour l'utilisation des objets comme filtres. C'est innovant, surprenant, assez profond et envoûtant. Conseillé.
SÉBASTIEN BRANCHE - Ligne irrégulière (2013) |
Un titre bien illustré par la pochette, mais qui résume aussi bien ces cinq improvisations. Chaque pièce est composée et basée principalement sur une note, ou un souffle, une note tenue comme un drone pour quelques minutes. Cette note trace la ligne tenue donc, tandis que les variations de la colonne d'air, les accidents du souffle continu et divers objets placés dans le corps du saxophone provoquent les irrégularités mentionnées dans le titre. Sébastien Branche maîtrise en grande partie chaque pièce, il sait où il va, comment, et pour combien de temps, tout en laissant le hasard et les accidents déterminer chaque relief, chaque aspérité et chaque possibilité de la ligne primordiale. Le son est contemplé et utilisé comme s'il pouvait être autonome, comme si tout en se pliant à la volonté de Sébastien Branche, il pouvait aussi la dépasser et la surpasser. Ce qui, de fait, arrive à certains moments, les plus magiques : du fait de cette autonomie qu'acquiert le son à l'instar du saxophoniste.
Ainsi, le solo de saxophone a encore un sens, l'instrument n'a pas été encore dépouillé : il suffit simplement de l'explorer lui-même, de le laisser s'exprimer (à travers seulement quelques filtres parfois) plutôt que d'explorer une foule de techniques étendues. Un solo assez minimaliste qui rejoint par certains aspects Seijiro Murayama, et encore plus Cyril Bondi, sans être très loin non plus de Lucio Capece pour l'utilisation des objets comme filtres. C'est innovant, surprenant, assez profond et envoûtant. Conseillé.