COPPICE - Big Wad Excisions (Quakebasket, 2013) |
Chicago, en 2009, Noé Cuellar et Joseph Kramer fondaient le
duo Coppice. Durant ses premières années, cette formation explorait surtout les
phénomènes sonores et électriques à travers une installation de micro-contacts
et d’interférences électromagnétiques. A ce moment, la musique de Coppice était
brute, dure et austère, elle ne ressemblait à rien si ce n’est à de
l’improvisation électroacoustique comme seules quelques nouvelles générations
d’improvisateurs et de musiciens électroacoustiques savent le faire. Mais petit à petit, le duo s’est constitué
un instrumentarium de plus en plus riche et complexe qui semble les avoir amené
dans une autre direction. Ces instruments, ce sont des harmoniums préparés, des
mini-oscillateurs DIY, des ghetto-blasters et des cassettes customisés.
Avec cette nouvelle instrumentation, la musique de Coppice a
dès lors pris une nouvelle orientation, tout en conservant ses bases. Car le
duo chicagoan continue de jouer sur les phénomènes électriques et
électromagnétiques, sauf que maintenant, le son provient d’instruments (l’harmonium
par exemple sur Big Wad Excisions).
La source première est le souffle de l’harmonium, ainsi que les diverses
mélodies ou bourdons qu’il peut produire, mais cette vibration
électroacoustique est transformée et exposée à des oscillateurs, juxtaposée à
des boucles de cassette, modifiée en un souffle électrique, etc. Le son de
Coppice est unique, avec ce dispositif improbable qui entremêle instruments préparés,
objets de diffusion sonore également modifiés, manipulation électrique et
électromagnétique, et boucle.
Et c’est ce nouveau son, plus chaud, plus organique, plus
vivant, inouï en somme, très travaillé et recherché, incroyable, une texture et
un grain très personnels et vraiment frais et innovants qui ont amené le duo à
retravailler la forme. Avec ce dispositif où les boucles ont beaucoup d’importance,
et où la présence instrumentale est très forte, le duo s’est vu explorer de
nouveaux territoires évidemment plus mélodiques et plus pulsés. On trouve dès
lors de superbes (et courtes) mélodies tristes et lancinantes aussi bien que
des fragments de beats gras et monstrueux, autant d’éléments inimaginables sur
un harmonium. Coppice a su redonner une vie à ces instruments (jamais je n’aurais
imaginé entendre un jour des harmoniums sonner comme ça), mais également à la
musique expérimentale. Noé Cuellar & Joseph Kramer explorent les propriétés acoustiques des phénomènes
électriques et magnétiques, mais avec sensibilité, poésie, et musicalité. Un
des rares duo qui a su trouver un son inouï tout en travaillant la forme de
manière précise. J’avais adoré leurs premières recherches, mais 2012-2013
marquent l’accomplissement certain de Coppice, il ne s’agit plus seulement d’expérimentations
virtuoses, mais d’une musique unique et splendide.