GGRIL & Evan Parker - Vivaces (Tour de Bras, 2012)

Pour des raisons souvent aussi économiques qu'esthétiques, l'improvisation se pratique bien plus en petite formation qu'en orchestre à l'heure actuelle. C'est certainement pourquoi je n'avais pas entendu d'improvisation collective, dirigée ou non, mais sous forme orchestrale, depuis maintenant pas mal de temps. C'est donc plutôt avec plaisir que j'ai découvert le GGRIL, accompagné ici d'Evan Parker et de Scott Thomson, un orchestre de 11 musiciens québécois réunis autour d'Eric Normand. Je ne sais pas vraiment si l'initiative de ce projet lui revient, mais Vivaces a néanmoins été publié sur son propre label, et il est le seul musicien que je connaisse à l'intérieur de cet orchestre. Côté instrument, on trouve deux violonistes, deux clarinettistes et un percussionniste, deux guitares et une basse électriques, deux accordéons, un tuba et un trombone, ainsi que les saxophones soprano et ténor d'Evan Parker.

Ma première surprise en écoutant Vivaces fut tout d'abord l'absence notoire de saxophonistes (hormis Evan Parker, mais qu'on ne peut considérer comme un membre régulier de cet orchestre), et c'est peut-être la première fois que j'entends un orchestre d'improvisation libre où ne se côtoient pas tous les types de saxophones, qu'on pense seulement à l'orchestre d'Alan Silva aussi bien qu'au Globe Unity Orchestra. Fait peut-être anecdotique étant donné la présence d'Evan, mais je ne peux m'empêcher de le signaler étant donné mon amour pour cet instrument...

La deuxième chose qui m'étonne, en comparaison surtout avec les deux orchestres précités, c'est la facilité avec laquelle s'écoute ces improvisations, et la joie présente dans ces improvisations, deux éléments qui rapprochent le GGRIL du côté de l'ICP plus que des deux précédents orchestres. En tout cas, les improvisations (dirigées par Evan Parker sur la seconde piste, et Raphaël Arsenault sur la troisième, ou totalement libres) sont plutôt massives, sans pour autant manquer d'aération. On se croirait d'ailleurs assez souvent à une séance de sound-painting, notamment sur la troisième piste, qui est peut-être la meilleure du fait qu'Evan Parker assume la fonction de soliste durant son intégralité, mais également grâce à la direction assez fracturée et originale d'Arsenault.... Plus denses qu'intenses, il ne s'agit pas de produire le plus fort volume sonore, ou de multiplier des couches criardes, mais plutôt de construire des pièces où s'empilent des blocs sonores massifs, assez conséquents et souvent énergiques tout de même. Des improvisations pleines de spontanéité, de liberté, et d'écoute, dirigées de manière à ne jamais fatiguer et à nettement entrecouper les différents tableaux. L'improvisation libre marque très fortement cet orchestre, qui n'est cependant pas forcément rigide et n'exclut pas de ses improvisations des lignes mélodiques, des ostinatos, des cycles rythmiques, différentes combinaisons instrumentales et certains autres éléments rejetés parfois trop systématiquement par les européens.