Adega Ensemble - Black van in a small square (Ilse, 2012)
L'Adega Ensemble regroupe sept instrumentistes originaires du Portugal et du Brésil. Henry Krutzen (saxophone ténor, objets), João Parrinha (batterie, percussions), João Pedro Viegas (clarinette basse), Luís Vicente (trompette, objets), Manuel Guimarães (guitare), Paulo Chagas (flûte, hautbois, clarinette sopranino) et Paulo Curado (flûte, saxophones soprano et alto). Dans ces chroniques, j'essaye toujours d'éviter les comparaisons au maximum, mais là je ne peux pas m'en empêcher. On croirait même à un hommage parfois. Car si l'Adega Ensemble ressemble à quelque chose, c'est sans aucun doute à l'Art Ensemble of Chicago. Une profusion de soufflants et de percussions, l'utilisation d'idiophones traditionnels, une liberté totale et un jeu hallucinant de questions et de réponses dans les improvisations collectives, c'est peut-être moins axé sur les influences et les rythmiques africaines que l'AEOC, mais la part de jazz est tout aussi présente, de même que la volonté de briser tabous et codes. Black van... regroupe quatre improvisations d'environ un quart d'heure chacune, quatre improvisations où tout peut surgir, quatre improvisations où les personnalités ne s'effacent jamais tout en étant à l'écoute d'un son collectif épais et consistant. C'est très énergique, très puissant souvent, l'improvisation collective est omniprésente, mais l'espace est rarement saturé: les sept musiciens savent jouer simultanément sans jamais se marcher dessus. L'équilibre entre les voix individuelles et le son collectif est plutôt impressionnant (ce qui rapproche encore cet ensemble de l'AEOC).
Quatre improvisations totalement acoustiques, dans une veine très proche du free jazz afro-américain, osées et inventives, fraîches et spontanées, énergiques, puissantes et plaisantes. L'Adega Ensemble renoue ici avec une longue tradition musicale aux aspects rituels, collectifs, et humains.
Ilia Belorukov - Nudoska (Ilse, 2012)
A la base, je connais surtout le jeune musicien russe Ilia Belorukov comme saxophoniste (notamment au sein de Wozzeck et du Totalitarian Music Sect), mais avec Nudoska, Belorukov nous offre une courte pièce de 35 minutes plutôt noise et électroacoustique, une première tentative qui promet en tout cas. Il s'agit apparemment du mixage et de l'assemblage de plusieurs enregistrements pris en quelques jours en Italie. Tout commence avec une introduction de dix minutes, une intro - qui prend les allures d'assaut sonore massif - harsh et furieuse, des boucles numériques très lourdes et proches du bruit blanc, avec des couches hystériques de sons aigus qui ressemblent à de l'analogique. Une masse sonore très épaisse, forte, et intense qui ne laisse pas indemne. Puis doucement, on assemblant des nappes de plus en plus douce, l'atmosphère se détend, l'ambiance devient plus légère, le son prend l'allure de vagues numériques plus espacées et plus calme. Des boucles synthétiques plutôt harmonieuses et presque mélodiques viennent remplacer le mur de son précédent. Comme un interlude assez long avant que la pièce redevienne bruitiste mais de manière plus minimaliste cette fois. Car la conclusion est faite de grésillements et crépitements plutôt calmes, ainsi que du bruits des clés et des tampons d'un saxophone. Un voyage en somme tantôt harsh, tantôt ambiant, pour terminer dans le réductionnisme. Un decrescendo bien structuré et bien équilibré qui ne pèche que par sa partie centrale, peu consistante par rapport aux deux autres excellentes parties. Très bon quand même dans l'ensemble.