Ed Bear & Lea Bertucci - controlled burn (Peira, 2012)
Le "bear, bertucci duo" est composé d'Ed Bear au saxophone baryton, et de Lea Bertucci à la clarinette basse. Un duo acoustique qui s'inspire néanmoins fortement des musiques électroniques. Sur controlled burn, les deux soufflants dessinent et peignent des textures et de la matière. Une matière souvent abstraite composée parfois de mélodies lentes qui explorent les micro-intervalles, ou bien de techniques étendues, de vents amplifiés et modifiés par des pédales de distorsion et de saturation. Un album entre improvisation et composition qui explore méthodiquement un univers sonore plutôt frais et original, sensible et délicat. Les huit pistes sont calmes, contemplatives, et peignent à chaque fois un univers sonore et pictural profond, précis, riche et sensible. L'interaction entre les notes ou entre les instruments est souvent au cœur des pièces, des pièces assez denses où les musiciens s'aident parfois d'une table de mixage et d'un vibraphone. Un travail sur des matières poétiques à tendance onirique et aérienne, et des textures explorées de manière originale et délicate. Les deux musiciens jouent avec finesse et précision, tout en semblant très attentifs à l'auditeur, un auditeur qu'ils semblent quitter avec regret durant une dernière pièce lancinante et solennelle.
Mythic Birds - the name by which the world knows them (Peira, 2012)
Mythic Birds est une formation instrumentale originale composée de quatre musiciens américains: Keefe Jackson aux clarinettes basse et contrebasse, Jason Stein et Jeff Kimmel aux clarinettes basses aussi, et enfin, Brian Labycz (qui s'occupe du label Peira) au synthétiseur modulaire analogique. En six pièces assez proches les unes des autres, le quartet propose une musique improvisée libre et réactive, en constant mouvement, où paraît primer la constitution de textures denses grâce au trio de clarinette soutenu par le synthétiseur, mais aussi l'interaction entre les deux instruments. De manière virtuose, sans que personne ne se copie vraiment, il y a une fusion presque constante entre les musiciens, le son collectif est unifié et ce malgré une masse d'éléments disparates et le caractère souvent pointilliste et spontané des improvisations. Il y a également tout un jeu sur les variations d'intensité qui se fait principalement sur des changements de volumes et l'exploration de multiples combinaisons (solo, duo, trio, etc.). La musique de Mythic Birds, en somme, est plutôt énergique, virtuose, toujours originale et pleine de puissance. Une musique libre et sincère, honnête et créative - servie par quatre instrumentistes talentueux. Du bon travail, parfait pour les amateurs d'improvisation libre électroacoustique énergique.
Gregorio, Roebke, Labycz trio - without titles (Peira, 2012)
Deuxième disque pour ce trio composé du clarinettiste Guillermo Gregorio, du bassiste Jason Roebke et Brian Labycz au synthétiseur modulaire, without titles est une suite de dix improvisations plus réussies à mon goût que leur première tentative (colectivos - paru un an plus tôt sur le même label) qui m'avait laissé un sentiment mitigé.
L'approche est la même ici, il s'agit d'improvisation libre, spontanée, énergique et réactive - un mélange assez commun d'influences noise et free jazz. Les idées sont courtes, elles fusent, s'entrechoquent, débordent, et explosent. Cris de clarinette, textures surréalistes du synthétiseur, accompagnés par une basse qui semble à l'aise dans tout environnement et réagit toujours avec justesse à des propositions pas forcément évidentes. Un trio plein d'énergie, qui nous propose ici une musique souvent forte et puissante, réactive et intense. Une musique qui ressemble souvent à un feu d'artifices, qui navigue d'explosions en explosions, avec une grande aise. Le seul bémol, c'est quand justement le trio veut explorer des textures avec calme, ça repose peut-être, mais ça manque de profondeur - et on regrette ces moments puissants d'explosions viscérales. Tout ceci n'est pas très original, tout comme l'approche de Mythic Birds, mais l'amour de continuer cette musique (l'improvisation libre) et la joie de collaborer sont stimulants. Dès lors, on se plaît à écouter les trois gais lurons prendre leur pied à jouer une musique qu'ils aiment et respectent, sans en avoir forcément quelque chose à foutre de proposer quelque chose de neuf - l'important étant avant tout de prendre son pied.
Gregorio, Giallorenzo duo - multiverse (Peira, 2012)
La dernière référence de Peira est un autre duo de musiciens chicagoans: Guillermo Greogorio aux clarinettes basse et Si bémol, et Paul Giallorenzo aux piano et piano préparé. Très peu de compositions, hormis peut-être l'excellente dernière pièce dans un style très "jazz", le duo joue aussi sur la spontanéité et la réactivité. Tour à tour assez mélodique et énergique, avec de longues envolées à la clarinette, expérimental lorsque Giallorenzo exploite les dynamiques des attaques au piano, ou explorateur et contemplatif avec de multiples recherches sonores et texturales de la part des deux musiciens. Ce duo piano/clarinette s'attache souvent à travailler les résonances entre les instruments en se faisant quelque fois échos, tout en s'intéressant de manière plus générale à l'interaction entre les cordes et le souffle ainsi qu'entre les deux individus aux langages bien singularisés. Huit pièces virtuoses et variées, assez personnelles et plutôt denses. Ce n'est pas exactement le genre de musique que je souhaite écouter en ce moment, mais ça passe plutôt bien pour la sincérité des musiciens encore une fois, mais surtout pour leur talent instrumental et la diversité des approches.
[chacun de ces albums est en écoute gratuite ici: http://peira.bandcamp.com/
vous pouvez aussi trouver les disques physiques et informations ici: http://www.peira.net/]