Wandelweiser und so weiter: quatrième partie. On est déjà à quasiment cinq heures de musique, et ça commence à faire long, heureusement qu'il y a de nombreuses pièces exceptionnelles pour donner envie de continuer.
A commencer par cette première apparition de Jürg Frey en tant que compositeur: Time Intent Memory. Pièce composée en 2012 et interprétée ici par Angharad Davies (violon), Jürg Frey (clarinette), Sarah Hughes (cithare), Kostis Kilymis (électronique), Dominic Lash (contrebasse) et Radu Malfatti (trombone). Mais aussi la plus importante - en durée (26 minutes) et en beauté - de ce disque. Time Intent Memory est composée de vagues de notes qui émergent et plongent dans le silence, un silence souvent perturbé par des parasites électroniques. Tout semble harmonieux malgré l'absence de système tonal, les sons s'accordent entre eux de par leur dynamique et leur timbre, en-dehors de toute hiérarchie. Un harmonie qui passe aussi par la répétition et donc par la mémoire. Une musique qui nous parle des textures, du timbre, de l'espace et de la durée. Une musique magnifique où la temporalité est au service du son, à mois que ce ne soit l'inverse, il y a en tout cas une intimité profonde entre les couleurs et la durée. Les notes sont à peu près neutres, même si des écarts expressifs apparaissent parfois, y compris chez Malfatti dont le trombone n'est pas toujours aussi mécanique que d'habitude. Splendide.
Dans les pièces plus courtes, on trouvera sur ce disque Many, 1-4 de Stefan Thut interprétée par le Set Ensemble (Angharad Davies, Bruno Guastalla, Sarah Hughes, Daniel Jones, Dominic Lash, Tim Parkinson, David Stent et Paul Whitty). Une pièce où se succèdent des sons abstraits, des silences, des écarts brusques d'intensité, des notes simples et des bruits. Minimal, austère et riche, c'est une pièce plutôt équilibrée qui joue sur les oppositions. Également, deux réalisations de for the choice of directions de Sam Sfirri. La première est interprétée par Sfirri lui-même au mélodica accompagné de Jason Brogan aux ondes radio. Des ondes statiques qui forment un drone sur lequel se greffe de longues notes sporadiques au mélodica. Les ondes sont interrompues au deux-tiers de la pièce par l'environnement et la musique se fait beaucoup plus calme, aérée et espacée. Une très belle réalisation intime, minimale, et sensible. La deuxième réalisation est plus courte (cinq minutes contre dix) et est due à un ensemble instrumental composé de Neil Davidson (guitare et objets), Rhodri Davies (harpe), Jane Dickson (piano), Patrick Farmer (diapason) et Dimitra Lazaridou-Chatzigoga (cithare). Une interprétation beaucoup plus axée sur les instruments et leur interaction donc, où se confrontent longues notes frottées (cithare et guitare) et courtes notes pincées ou frappées (piano et harpe), un peu à la manière par laquelle se confrontaient les longues ondes radios de Brogan et les notes de mélodica de Sfirri sur la première réalisation.
On retrouve cette même formation pour une improvisation d'un quart d'heure sobrement intitulée #08.01.12. Seuls deux instruments sont modifiés, Rhodri Davies emploie ici une harpe électrique tandis que Patrick Farmer troque son diapason contre des objets et "lecteurs CD ouverts". Une session qui nous montre encore une fois de quelle manière les pratiques du collectif Wandelweiser, même si elles sont associées à la musique écrite, ont pu interférer sur la musique improvisée, qui a elle-même joué une grande part dans les méthodes de compositions des membres de Wandelweiser. Il s'agit donc ici d'une improvisation toujours basée sur de longues notes (ou de longs bruits plutôt), sur des répétitions et sur l'étirement du temps. Une écoute sensible et attentionnée pour une pièce abstraite et riche, faite de bruits divers qui s'accordent envers et contre tout. De son côté, Taylan Susam propose avec for maiike schoorel (dédié à la peintre minimaliste hollandaise) une courte pièce qui ressemble dans l'esprit à du Webern ou du Schoenberg réinterprétée par Wandelweiser, une sorte de klangfarbenmelodie, mais entrecoupée de longs silences. Une pièce interprétée par le edges ensemble et dirigée par le pianiste Philip Thomas.
Pour finir, on trouvera également sur ce disque une pièce d'une dizaine de minutes composée en 2010 par le contrebassiste et improvisateur Dominic Lash, intitulée for five, et interprétée par le Set Ensemble encore, avec Angharad Davies au violon, Bruno Guastalla au bandonéon, Dominic Lash à la guitare acoustique sur table, Tim Parkinson au mélodica et David Stent à la guitare. Suite d'instruments frottés, raclés, préparés ou de notes neutres et abstraites qui deviennent purement sonores, le tout toujours entrecoupé de silences. Différentes combinaisons sonores et instrumentales sont abordées, il est difficile de prévoir ce qui va suivre malgré la réduction des matériaux, et le tout manque peut-être un peu d'homogénéité ou de linéarité. Cette pièce est tout de même réalisée avec précision, sensibilité et créativité. L'univers et les matériaux sonores sont plutôt orignaux et singuliers, un contenu singulier pour une forme courante à l'intérieur du collectif.