Jean-Luc Guionnet / Ernesto Rodrigues / Guilherme Rodrigues / Seijiro Murayama - Noite (creative sources, 2008)
Une rencontre inédite entre quatre grandes figures des musiques nouvelles et e l'improvisation. Deux français et deux portugais: Jean-Luc Guionnet (saxophone alto) et son acolyte de longue date maintenant, Seijiro Murayama (percussions), aux côtés d'Ernesto Rodrigues (violon alto) et de son fils Guilherme Rodrigues (violoncelle) - acolyte également de très longue date s'il en est... Sur un fonds sonore urbain composé principalement de voitures, le quartet franco-ibérique tisse une longue musique qui semble inspirée par l'environnement sonore. Une musique qui ne paraît plus si improvisée que ça, mais qui paraît plutôt dictée et dirigée par les sons environnants. Durant plus d'une heure, le quartet Guionnet/Rodrigues/Rodrigues/Murayama file de longues notes, des souffles interminables, des archets continus, des bourdons de peaux frottées minimalistes. C'est souvent très calme, les sons se confondent et ne se détachent qu'avec peine, les notes se mélangent aux sons et aux bruits, tout est incertain et entremêlé. Parfois, une irruption violente brise la continuité, une irruption qui devient évènement inoubliable par rapport à la majorité de micro-évènements qui composent ces deux pièces. Une musique qui vire souvent à l'abstraction du côté purement sonore, qui joue sur des timbres et des couleurs froides, ternes, grises, et abrasives. Mais il y a également un côté très concret dans la mesure où l'environnement sonore semble servir de partition aux musiciens, un aspect concret dû à l'interaction sensible entre le réel présent et la performance musicale. Les deux pièces qui composent ce long disque (plus de 70 minutes) sont plutôt tendues - une tension qui provient en grande partie de la volonté de réunir deux espaces et deux temporalités différentes en un tout cohérent: ceux du réel autonome et apparemment aléatoire avec ceux de la réponse musicale. Tout en tension, et tout en interaction sensible, un album d'une grande finesse et d'une grande sensibilité, riche et intense.
the ames room - full illionois jacquet (factotum tapes, 2012)
Toujours la même formule pour The Ames Room: JLG au saxophone alto, Clayton Thomas à la contrebasse, et Will Guthrie à la batterie. Rythmiques obsessionnelles et lancinantes pour chaque instrument, attaques explosives pour des notes qui peinent à durer plus d'une demi-seconde, et sur cette cassette, la même énergie est conservée pour deux sets qui paraissent encore plus rock que d'habitude (Will en héritier de Mick Harris?). Ce format cassette n'est d'ailleurs pas forcément le meilleur choix envisageable à mon avis, le trio perd en relief et en profondeur, mais bon, c'est chipoter là... Car niveau musical, The Ames Room continue de faire vriller les tympans à coups de répétitions psychotiques et sociopathes, de remuer nos entrailles larvaires avec une énergie hystérique et monomaniaque. The Ames Room, on se demande parfois s'ils jouent ou s'ils se tapent la tête contre les murs: un déchaînement ultra-nerveux d'énergie pour une musique brutale et puissante qui n'a rien à envier au grindcore le plus gore qui soit.
Rien à signaler au niveau de la forme, ceux qui ont déjà entendu cette formation reconnaitront aisément leur intensité toujours maximale, le côté climax permanent, ainsi que l'aspect répétitif et binaire. Un projet virulent, puissant et intense, toujours pareil et toujours différent, qui répète toutes les possibilités de la même formule, et parvient à toujours à déchainer la même nervosité. Bon boulot.
[NB: je n'ai pas trouvé de photos pour la pochette de cette cassette, mais je l'éditerai plus tard si je la trouve en ligne - en même temps je préfère cette affiche trouvée sur le site de the ames room...]