L'autre compositeur capable de présenter une pièce aux accents romantiques est bien évidemment Jürg Frey, également connu pour l'aspect plus lyrique et mélodique de certaines de ses compositions. Avec Circular Music No.2, interprétée par Angharad Davies (violon), Phil Durrant (électronique), Jürg Frey (clarinette), Anton Lukoszevieze (violoncelle), Radu Malfatti (trombone), Lee Patterson (objets amplifiés) et Philip Thomas (piano), le compositeur présente ici une pièce d'un quart d'heure où clarinette, violon, violoncelle et piano jouent une lente mélodie calme, lente et triste, fondée sur deux notes chacun qui sont jouées selon les modes de jeux traditionnels offerts par l'instrument. Notes longues, courtes, attaqués par en-dessous ou brusquement, frottées, pincées, percutées, et soufflées, se confrontent et sont accompagnées par un trombone qui n'est plus qu'un souffle unificateur, ainsi que par des nappes discrètes de bruits dus à Durrant et Patterson. Très belle pièce. La seconde composition de Jürg Frey sur ce disque est une longue pièce intitulée Un champ de tendresse parsemé d'adieux (4) (oui, on pourrait croire au titre toujours poétique d’œuvre d'Antoine Beuger, mais non...) et est interprétée par l'edges ensemble, toujours dirigé par le pianiste Philip Thomas. Durant presque vingt minutes, des objets métalliques sont jetés régulièrement sur une surface dure, à travers une pièce qui semble peut résonner. Il n'y a pas beaucoup de relief, hormis un souffle omniprésent et sombre, plus rassurant qu'inquiétant, un souffle quelque peu familier et poétique, proche d'un vent hivernal automatisé. Une pièce étrange, où l'on sombre dans un univers en déphasage avec le réel, et qui répond plutôt bien à la pièce qui la précède.
Autre grand moment de ce disque, l'interprétation par Anett Németh (enregistrements, instruments, objets) de 2008(6) de Manfred Werder. Comme souvent chez cette interprète, les sources sonores s'entremêlent pour former un univers unifié et poétique. Un univers constitué ici de longues notes sourdes et graves ou médiums, d'enregistrements d'une sorte de source d'eau avec ce qui ressemble à une sorte de petit moulin artificiel. Tout se mélange indistinctement en une texture sonore cohérente, onirique et unique, on regrettera seulement que ça ne dure pas plus de cinq minutes... Enfin, une pièce du compositeur plutôt méconnu Taylan Susam intitulée for sesshū tōyō, interprétée par les habituels Angharad Davies (violon), Phil Durrant (électronique), Joseph Kudirka (contrebasse), Anton Lukoszevieze (violoncelle), Lee Patterson (objets amplifiés) et Philip Thomas. Il s'agit ici de longues notes jouées par peu d'instruments simultanés et entrecoupées de silences. Des notes jouées pour leur timbre et leur texture principalement. Une pièce minimaliste, axée sur des textures simples mais recherchées, où son et silence sont sur le devant de la scène.