Sur ce deuxième disque du coffret consacré au collectif Wandelweiser, on retrouve cinq pièces plutôt différentes et toutes excellentes. C'est à Sam Sfirri d'ouvrir la marche avec une courte pièce de cinq minutes interprétée par le NMC Chamber Ensemble et intitulée the undulating land. Une pièce pour guitares électrique et acoustique, flûte, clarinette, percussions et mélodica (avec Jason Brogan, Bill Carson, Jared Sinclair, Kim Larson, Ron Wiltrout et Sam Sfirri lui-même). A partir d'un matériau très réduit, les six interprètes choisissent une seule note chacun qu'ils assemblent selon les possibilités offertes par cette formation. L'infini s'ouvre à partir d'une note, les possibilités semblent vertigineuses et la pièce semble être en constant mouvement malgré la répétition invariable (de note, mais aussi d'attaque, de durée et d'intensité).
C'est idiot de le dire, mais Wandelweiser n'existerait certainement pas s'il n'y avait pas eu John Cage auparavant. C'est pourquoi il paraît normal qu'on trouve au moins une pièce de lui sur cette compilation, et il s'agit ici d'une de ses dernières compositions: Three2. Une oeuvre pour trois musiciens donc, écrites pour des percussions indéterminées et interprétée ici par Simon Allen, Chris Burn et Lee Patterson. Dix minutes de peaux frottées, de bols percutés, de textures cosmiques, oniriques et poétiques. Les nappes sont étirées, le temps dilaté, un tout autre univers surgit, et il est magnifique. Un enregistrement superbe d'une interprétation très sensible et inventive.
Le coffret s'étend donc d'un côté aux influences, mais aussi aux nouvelles perspectives que l'on doit à Wandelweiser. Car s'il s'agit bien d'un collectif de compositeur, la pratique de l'improvisation s'est trouvée reconsidérée et influencée pour de nombreux musiciens. Ici, c'est le trio Pierre Borel, Johnny Chang, Derek Shirley qui nous propose ce qu'il me semble être une improvisation intitulée Etchings. Respectivement au saxophone alto, au violon alto et à la contrebasse, ces trois musiciens nous proposent une longue pièce de vingt minutes, acoustique et sans fioritures, tout en longueur et en suspension. Une musique minimaliste, où l'étirement des notes virent à l'abstraction, où l'interaction se fait dans la confrontation sensible des matières. Et c'est ici qu'on voit la portée de Wandelweiser qui propose une porte de sortie au culte de la spontanéité et de la réactivité.
La quatrième pièce de ce disque est une pièce de Phil Durrant datant de 1997 et intitulée Sowari for Ensemble. Interprétée par le compositeur lui-même à l'électronique, Lee Patterson encore aux objets amplifiés, et Philip Thomas au piano qu'on peine souvent à distinguer des matériaux électriques et électroniques, Sowari joue aussi sur la matière et les textures, sur des sonorités abstraites et abrasives, également longues et étirées. 12 minutes singulières mais pas forcément frappantes, plutôt réussies mais également assez convenues. (Tout le problème des compilations est là en même temps, il suffit d'un chef d’œuvre de 30 minutes, et tout le reste - s'il est juste bien ou pas trop mal - tend à être oublié par le monument...).
Et pour conclure en beauté cet excellent deuxième disque, une superbe pièce de Michael Pisaro composée en 2010, intitulée fields have ears (3b), et interprétée par une pléiade de virtuoses: Angharad Davies au violon, Patrick Farmer et Daniel Jones à l'électronique, Sarah Hughes au piano, et Dominic Lash à la contrebasse. Il s'agit d'une pièce en deux parties où la première est composée de textures qui se superposent sans s'assembler. Beaucoup de tensions entre l'électronique et les instruments, entre les cordes vides de la contrebasse ultra-grave et les sons suraigus du violon, entre les durées très courtes du piano et les longues notes tenues par beaucoup des musiciens. Ce sont d'ailleurs les notes courtes, ponctuations sensibles, délicates et épiphaniques du piano qui ont tendance à résoudre les tensions - aux côtés des quelques silences et des longues résonances qui parsèment ces matières brutes. Et pour finir cette œuvre, tout devient encore plus minimaliste et répétitif, mais la tension disparaît dans un accord magique entre l'ensemble des interprètes. Magnifique.