ZOOR - volumes a + b (Umlaut, 2014) |
Comment décrire cette musique ? Ce n'est pas si facile. Aux premiers abords, ça ressemble à une sorte de post-rock, du post-rock comme aurait pu en faire les tenants du jazz modal... On peut penser à Bohren und der Club of Gore, sauf que c'est quand même mois "pop" et moins sombre. La forme est très linéaire, le jeu des trois musiciens est calme, l'intensité est constante. Il n'y a pas vraiment d'évolution, il s'agit de longues nappes qui ne varient pas dans la forme, mais seulement dans le contenu. Il y a également une forme de lyrisme présent dans le phrasé de chacun (mais surtout de Denzler, saxophone oblige). Et puis d'un autre côté, je pense aux projets parallèles de chacun des trois musiciens : des projets axés sur l'improvisation libre et le réductionnisme. Et alors, je me dis que Zoor est peut-être bien une tentative de faire du post-rock improvisé, des longues nappes hypnotiques un peu jazzy, mais aussi et surtout une tentative de faire du réductionnisme ou même de l'improvisation libre qui ne sonne pas spontané, et surtout - le plus marquant dans ce trio - qui n'utilise aucune technique étendue. Le saxophone est joué avec des techniques traditionnelles, la guitare électrique aussi (il n'y a même pas d'effets), ainsi que la batterie. Et pourtant le trio semble s'aventurer sur des terrains proches de la musique électronique, il semble s'intéresser surtout à l'atmosphère et à l'ambiance en tout cas. Et c'est réussi.
Zoor propose ici deux longues improvisations de quarante et trente minutes : deux morceaux d'une sorte de post-musique improvisée, de post-réductionnisme qui revient aux sources d'une certaine manière (ce n'est pas si éloigné de Sugimoto par exemple). C'est solennel d'un côté, puissant et lyrique aussi, propre et réfléchi, mais surtout très original, car le trio développe un langage comme je n'en avais jamais entendu, et tout ça sans utiliser de techniques étendues ni de formes innovantes. Une musique émouvante, innovante et personnelle, qui vaut le détour.