David Chiesa est un contrebassiste français très axé sur l'improvisation interdisciplinaire (danse, vidéo, poésie, etc.),et qui collabore depuis plusieurs années avec Jean-Luc Guionnet, Frédéric Blondy et Michel Doneda. Autre compagnon de longue date que l'on retrouve sur ce duo acoustique publié par Creative Sources, le guitariste Jean-Sébastien Mariage, connu pour sa participation à diverses formations hexagonales de renom, telles Hubbub et X-Brane.
Oort, un titre énigmatique pour une pochette qui ne l'est pas moins, évoquant un certain nuage de comètes aux frontières du système solaire. La musique est-elle censée peindre ce phénomène astronomique? Chiesa a-t-il tenté ici l'ultime confrontation des disciplines en tentant de dialoguer avec l'observation astronomique? Le nuage d'Oort a-t-il inspiré la musique de ce duo, à moins qu'il n'ait été nommé ainsi a posteriori? Autant de questions qui resteront sans réponses tranchées de ma part...
Au fil de ces cinq pièces en tout cas, on est vite aspiré par la douceur du dialogue, sa subtilité et sa sensibilité. Le volume est généralement assez bas, même si les attaques et les timbres ne manquent pas d'intensité parfois. Si le volume change peu, la densité elle, et l'espace sonore avec, est constamment remaniée durant cette heure poétique. Les cordes entretiennent un dialogue où l'écoute et l'attention sont constamment de la partie, un dialogue qui produit des atmosphères très minimales (Mariage n'utilise parfois que deux notes durant plusieurs minutes), où le silence espace des interventions précises et d'autant plus intenses qu'elles se font constamment attendre. L'univers sonique prend parfois du volume surtout grâce à Chiesa, notamment lorsqu'il produit d'étonnantes harmoniques éthérées où lorsqu'il nous plonge dans un bourdon aux double-cordes exceptionnellement proche d'un accord d'accordéon. Et malgré ces variations d'intensité et de densité, ce sont bien les interventions espacées, précises et minimales de Mariage qui maintiennent une cohésion linéaire à travers cette suite d'improvisations poétiques, quelque peu mélodiques, et d'apparences assez pures et éthérées.
Peut-être est-ce ce silence qui évoque le nuage d'Oort, silence qui par le vide auquel il est associé peut dénoter les trous noirs, mais également l'infinité de l'univers, tout comme la tension qu'il produit (tension qui est également le fruit du dialogue où il n'y a que de rares fusions) peut évoquer la frontière que le nuage d'Oort marque entre le système solaire et le reste du cosmos. Quoiqu'il en soit, Oort parvient à maintenir une tension linéaire et mélodique à travers l'ensemble de la suite malgré les différents univers variés et hétérogènes qui se déploient au fil des pièces, multitude sonique qui contraste d'ailleurs avec l’homogénéité instrumentale. Un très beau duo!