Will Guthrie, batteur originaire d'Australie installé à Nantes depuis quelques années, joue ici avec Jérôme Noetinger, figure émérite de la musique électroacoustique française. Très différent des dernières productions Erstwhile, ce duo s'inscrit dans une énergie beaucoup plus primitive et instinctive. Noetinger/Guthrie proposent ici 12 pièces assez courtes pour la plupart, douze sortes de collages pour la plupart tendus et énergiques, dédicadés au "cinéaste pour l'oreille" Alain de Filippis, et superbement masterisés par Giuseppe Ielasi. Les premières pièces ont un quelque chose de cartoonesque: assemblage de modulations analogiques, de micro-contacts, de percussions et de radios, la tension monte très vite, les deux musiciens augmentent le son très vite, puis coupent tout, sans prévenir, de façon inopportune. Collage presque surréaliste de matériaux parfois rudimentaires, parfois plus perfectionnés, qui vont du feed-back aux interférences lo-fi en passant par les harmoniques des cymbales. Il y a une ambiance souvent proche de l'hystérie, une forme d'énergie exarcerbée en tout cas, mais l'atmosphère peut aussi se détendre, seul un souffle analogique ou une peau caressée se maintiennent contre le silence parfois, ce que Jérôme s'empresse de détruire avec des interventions incongrues mais heureuses, avec des puissantes modulations de fréquences qui ne sont pas sans rappeler quelques expérimentations de la musique concrète.
La forme même du duo est une sorte de collage entre la musique improvisée européenne et la dynamique tension/rupture qui lui est propre, cette défragmentation de l'énergie qui consiste à en fracturer tout embryon dès que le climax est atteint (ce qui ne prend souvent pas plus de quelques secondes ici), ou à insérer des points de rupture dans des nappes de son calmes et contemplatives, des pics de tension hystériques et puissants. Assemblage de cet aspect de la musique improvisée donc, mais également des expérimentations de la musique électracoustique, avec le timbre spécifique aux manipulations de bandes analogiques (Noetinger) et de micro-contacts (Guthrie) à même la batterie ou sur d'autres supports plus bruts. Les sons sont donc très hétéroclites et les directions prises sont souvent innatendues et surprenantes. Une pulsation légère se trouve soudainement submergée par des fréquences parasitaires monstrueuses, une radio dialogue avec un micro-contact qui capte des vibrations inquiétantes, etc. On l'aura compris, la musique de ce duo est brute, radicale, et surtout, spontanée. Il n'est pas question de révolution timbrale, le contenu sonore est déjà connu de tous, mais formellement, cette forme de collage et d'utilisation instinctive de ces matériaux est plutôt innovante, on n'avait pas souvent entendu des bandes magnétiques utilisées avec autant d'énergie par exemple, et l'insertion des percussions, instrument tradtionnel sans hauteur déterminée, apporte également une touche de fraîcheur à cette forme d'improvisation électroacoustique.
Un duo puissant qui élabore des petits tableaux avec de la matière brute et primitive. Pas forcément très innovant, Face Off apporte quand même une touche de fraîcheur et de spontanéité, et surtout, il ne manque pas d'énergie ni de puissance. Recommandé.
Tracklist: 1-Snide / 2-Creep Show / 3-Slo-Nife /4-Swamp / 5-Le analise / 6-Cymslake / 7-Saw / 8-Carpet burn / 9-Atelier forge / 10-Crackney / 11-Saikopasu-komento / 12-Sunday morning english wine