Une magnifique photo et un titre énigmatique pour ce duo belge. Au menu, cinq pistes sans titres où on retrouve Marjolaine Charbin au piano, et Frans van Isacker au saxophone alto. Deux instruments qui ont peu en commun, mais qui parviennent ici à fusionner grâce à une écoute extrêmement attentive et intensive. De manière générale, les cinq pièces sont assez calmes et minimales, il y a peu de silences en tant que tel, mais les interventions sont très espacées, et souvent délicates. On sent une grande sensibilité pour les textures d'un côté, et pour la nécessaire fusion de ces textures d'autre part. Les cordes du piano sont très sensiblement raclées pendant qu'un souffle cuivré peine à émerger, le bois est caressé et le cadre percuté à intervalles irréguliers tandis que van Isacker attaque quelques notes brèves espacées par des pauses plus ou moins longues. Tout du long, la tension est grande, certainement à cause de la difficulté de fusionner ces deux timbres quasiment contraires, mais aussi parce que la musique semble régulièrement tendre vers un silence attirant sans qu'elle ne parvienne jamais à l'atteindre vraiment. C'est en tout cas ce que j'attendais, et la tension réside aussi dans ma frustration et ma déception de cette absence de silence. Puis à quelques moments, l'intensité monte, les jeux se font puissants et forts, une violence proche du free jazz vient donner quelques reliefs et un peu de profondeur à cette suite qui sans cela tomberait dans une grande monotonie. Car malgré des textures originales, assez inventives et aventureuses, la tension est presque toujours la même, n'est jamais résolue, et ne bouge que rarement. La suite est donc assez linéaire, monotone et manque vraiment de relief (surtout dans les moments de repos qui peuvent être creusés autrement que par une irruption de violence par forcément explicable). Linéarité rompue surtout sur les deux dernières pistes avec de très puissants passages de phrases et d'idées répétées et décalées, avec une ambiance beaucoup plus assurée et assumée.Pas exceptionnel malgré un talent et une virtuosité indéniables notamment de la part de Marjolaine Charbin, mais aussi de van Isacker qui peut faire parfois penser à Guionnet pour sa gestion de l'espace.