Henrik Munkeby Nørstebø est un jeune improvisateur norvégien qui collabore parfois avec Kim Myhr, et avec de grands ensembles d'improvisation libre, quelques groupes de free jazz ou de musique contemporaine et/ou expérimentale. Pour Creative Sources, il propose un exercice peut-être aussi difficile que rare et donc, original, un solo de trombone. Pour ma part, je trouve que ce Solo tombe très bien, car ce cuivre fait partie de ces instruments magnifiques qui tombent quelque peu en désuétude.
Tout d'abord, il y a eu Roswell Rudd, puis George Lewis, et enfin (et surtout), Albert Mangelsdorff, sans parler de Radu Malfatti. HMN arrive donc avec des précédents assez lourds de talent et de virtuosité, mais il n'y en a pas non plus une pléiade, sans compter que rares sont ceux qui se sont essayés à l'improvisation en solo. Car le Solo de ce jeune musicien part avant tout de l'improvisation, même s'il n'hésite pas à composer quelques lignes mélodiques distribuées parcimonieusement tout au long de ces dix pièces assez courtes. L'instinct, le corps et la spontanéité semblent guider la structure et la forme de ces pièces. Mais il y a aussi une direction très aventureuse, qui place HMN à la croisée du free jazz et du réductionnisme, car entre les mélodies le tromboniste explore de nombreux modes de jeux et différentes techniques étendues. Le cuivre se trouve exalté d'un côté, toute sa solennité traditionnelle et sa puissance sonore et émotionnelle sont constamment sollicitées par Henrik Munkeby Nørstebø, mais il se trouve également transcendé, ou plutôt transfiguré. Le son est transformé par la voix, la langue gêne l'embouchure, le souffle et d'autres "imperfections" sont également sollicités, la matière du cuivre conduit la voix, les pistons claquent, les attaques sont exacerbées, autant de techniques qui rappellent les expérimentations de la scène réductionniste, sauf qu'elles sont ici au service d'une énergie concrète et brute. Car HMN n'étale pas ses compétences techniques pour produire les textures les plus originales possibles, la technique est avant tout un moyen pour parvenir à une certaine dynamique, entre la mélodie primitive et une musique organique, qui provient avant tout du corps même du musicien.
Voilà à peu près ce qui fait de ce Solo une oeuvre personnelle et originale, qui touche au corps de l'instrumentiste plus qu'à son intelligence, à son intimité sans verser dans une introspection abstraite. Les dix pièces sont variées et virtuoses bien sûr, mais elles possèdent chacune leur univers qui n'est pas autonomisé, mais qui paraît au contraire sortir tout droit du corps de HMN. Les techniques étendues sont multiples et variées, mais pas gratuites, elles servent toujours une dynamique particulière et souhaitée par le tromboniste. En gros, on a ici un solo particulièrement intense, qui peut être aussi bien dansant qu'envoûtant, avec des pièces variées autant au niveau sonore qu'au niveau dynamique. Après un aussi bon début, j'attends avec impatience les prochains enregistrements de ce talentueux tromboniste du coup.