Evan Parker/Zlatko Kaučič - Round about one o'clock (Not Two, 2011)

Dédicacé au saxophoniste anglais Mike "Ozzie" Osborne (rien à voir avec Black Sabbath, Osborne est plus connu pour ses collaborations avec Mike Westbrook ou John Surman), Round about one o'clock est l'enregistrement d'une première collaboration d'Evan Parker et du percussionniste slovène Zlatko Kaučič. Six improvisations capturées lors du cinquantième anniversaire du Jubilee Jazz Festival à Ljubljana. Evan Parker n'évolue pas par rupture, il emploie les mêmes techniques instrumentales et les mêmes formes d'improvisations depuis plusieurs décennies, les changements opérant surtout par apport aux formations instrumentales et aux collaborateurs. Je ne dis pas cela de manière négative, car à chaque nouvelle production d'Evan, je ne suis pas surpris par la technique, mais par une précision qu'il a fini par peaufiner, précision de l'écoute et des réponses à chaque contexte musical, que ce soit au sein du trio classique Parker/Guy/Lytton, en solo ou avec de nouveaux musiciens avec qui il n'a pas l'habitude de collaborer, comme le percussionniste nantais Toma Gouband ou Zlatko Kaučič ici même.

Au cours de ces improvisations libres et spontanées, le duo Parker/Kaučič parvient à produire un dialogue original envers et contre la longue tradition d'une forme déjà largement entamée dans le free jazz autant que dans le jazz, le duo saxophone/batterie. Le couple anglo-slovène ne s'évertue pas ici à abolir les fonctions traditionnelles des instruments utilisés, à anéantir les fonctions rythmiques et mélodiques de manière purement négative. Il n'y pas de séparation ni de hiérarchie, mais le geste du duo est plus positif et constructif que destructeur et revendicateur. Ensemble, les musiciens ne se distinguent que par le timbre, mais se réunissent parfaitement dans des lignes énergétiques spécifiques. Véritables symbioses énergiques et dynamiques, les motifs et les idées suivies au long de ce concert sont caractérisées par leurs valeurs et leurs aspects intensifs, dynamiques et énergiques, et c'est par ces propriétés que les timbres pourtant aux antipodes peuvent fusionner en un motif au-delà des propriétés traditionnelles du son et de la musique. Avec un matériau assez réduit, Parker n'utilise pas énormément de techniques étendues, tandis que Kaučič, hormis quelques idiophones, n'utilise qu'un tom et diverses cymbales, le duo parvient à composer une musique multiple et diverse, non selon le timbre ou la structure qui est la plupart du temps linéaire, mais grâce aux différentes énergies déployées au long de ce dialogue puissant et créatif. Le son d'Evan, on le sait, est unique, et Kaučič parvient parfaitement à dialoguer avec cette énergie inépuisable du saxophoniste légendaire en frappant peaux et cymbales de manière à déployer les intensions énergiques et intensives du duo, que ce soit par le biais d'un jeu pointilliste ou linéaire, rarement pulsé mais toujours expressif.


Puissantes, profondes et expressives, ces six pièces ne laissent pas de marbre et marquent par leur intensité et par la puissance de l'écoute. Mort en 2007 suite à un cancer du poumon, Osborne n'aurait pu rêver un plus bel hommage que ces six improvisations créatives et constructives, beaucoup plus lyriques qu'abstraites, sans que ne soit jamais utilisé aucun cliché stylistique et technique propre à véhiculer des émotions. Car si une chose est véritablement digne d'admiration chez Evan, c'est cette faculté de produire des émotions aussi fortes avec un langage technique aussi original, un langage sans précédent et que peu de personnes semble vouloir reprendre, comme par peur de sa puissance. Recommandé!

Tracklist: 01-Link to ... O / 02-Link to ... Z / 03-Link to ... Z / 04-Link to ... I / 05-Link to ... E / 06-Dear Mike!