EMMANUEL ALLARD - Nouvelles Upanishads du Yoga (Baskaru, 2013) |
C'est la première fois que j'entends le travail de ce musicien, je ne sais pas s'il utilise ces systèmes régulièrement ni depuis combien de temps. Mais sur ce disque, Emmanuel Allard propose d'explorer soit une texture, soit une ambiance, soit une dynamique, un mode de jeu (le glissando est largement privilégié, à cause des potards). Il y a parfois d'excellentes trouvailles, comme sur "L'art noir" où la table de mixage s'approche du chant d'animaux abyssaux, des textures inattendues. Mais dans l'ensemble, le champs de recherche ne s'étend pas beaucoup plus loin que ce qu'on a déjà l'habitude d'entendre : oscillations de fréquences qui se frottent de manière corrosive, fréquences extrêmes, etc. Là où le musicien est peut-être le plus inventif, c'est dans la construction de nappes lisses et dans la création d'atmosphères vraiment singulières par contre.
Les sept pistes forment donc sept univers distincts et différents qui ne trouvent leur cohérence et leur continuité que dans la volonté exploratrice/investigatrice. Comme si Emmanuel Allard voulait seulement démontrer la richesse des larsens, ce qui n'est pourtant plus à démontrer je pense... Ceci-dit, les feedbacks sont bien maîtrisés, Allard sait faire preuve d'inventivité, et je serais bien curieux de voir cette maîtrise et cette créativité au service d'une projet plus construit et cohérent.
TOSHIMARU NAKAMURA/KEN IKEDA/TOMOYOSHI DATE - Green Heights (Baskaru, 2013) |
Ce dernier, qui a également (très bien) mixé le disque, semble être le principal initiateur de cette formation, tant son univers est prépondérant. Tomoyoshi Date emploie des field-recordings comme fonds sonore surtout, pour créer des nappes réelles. Et sur ce fonds, il glisse de douces mélodies au caractère souvent naïf, des mélodies aériennes et harmonieuses au toy piano et au vibraphone. Et à ses côtés, Ken Ikeda appuie l'atmosphère aérienne avec de longues nappes synthétiques, il la renforce ou lui répond par des interventions mécaniques et neutres. Tout comme Toshimaru Nakamura qui construit ici des réponses discrètes mais présentes à ces univers qui ne lui correspondent a priori pas.
Le résultat de cette superposition improbable est doux, gentil et très personnel. Je ne suis pas friand de l'atmosphère souvent naïve et doucereuse de ces cinq pièces, mais je suis vraiment admiratif devant la finesse avec laquelle les trois couches sonores s'imbriquent. Je l'ai déjà dit, les univers de chacun des trois musiciens sont vraiment distincts, les outils/instruments également, et pourtant une profonde unité règne durant cette heure. Chaque couche de son est au même niveau, qu'elle soit intempestive, continue, bruitiste, mélodique, et on a souvent du mal à distinguer qui fait quoi. Chaque strate s'imbrique de manière fine et subtile pour former une suite très cohérente, précise, éthérée, poétique et enfantine. Ainsi Green Heights peut peut-être être une très bonne introduction aux musiques électroacoustiques et réductionnistes, mais de mon côté, je suis plus dérouté que charmé par les aspects poétiques et doucereux de Tomoyoshi Date notamment.