CHIP SHOP MUSIC - You Can Shop Around But You Won't Find Any Cheaper (Homefront Recordings, 2010)
Erik Carlsson: percussion
Martin Küchen: saxophones
David Lacey: percussion, electronics
Paul Vogel: computer, clarinet
Second enregistrement du quartet irlandais-suédois Chip Shop Music, You Can Shop Around But You Won't Find Any Cheaper, publié sur le label irlandais Homefront, est une autre production EAI aussi proche de l'AMM que de Nmperign. Sur ces trois pièces de durée égale, le matériau sonore est réduit, épuré, voire appauvri à l'extrême, ce qui nous amène dans une plaine froide inexplorée, sur un terrain aussi abstrait qu'aventureux.
Le première pièce, Rules are rules, est principalement composée de battements dans des registres graves et aigus extrêmes qui ont des allures de rituels obscurs et ésotériques. Ces battements paraissent aléatoires mais un soubassement inconsciemment pulsé finit par apparaître en filigrane. Küchen et Vogel survolent parfois discrètement, mais toujours de manière sporadique, ces rythmes étranges, complexes et aliénants avec quelques courtes nappes de souffles altérés ou d'harmoniques immuables. Puis The great war quitte le registre aléatoire et affiche une stabilité plus claires. Des bols tibétains et une grosse caisse créent une pulsation plus évidente, des sinusoïdes parfois modifiées par un oscillateur forment un drone sur lequel se place de longues notes tenues par un vibrato, ou des jeux de clés ou de souffles modifiés par le corps de la clarinette ou du saxophone. Finalement, la pulsation disparait, laissant place à un drone de plus en plus imposant et à des bruitages de plus en plus abstraits et inquiétants qui, à la longue, participent plus du drone qu'ils ne s'y opposent. Quant à la dernière pièce, An uncast wind, elle est plutôt du côté de la liberté et de la spontanéité. Personne ne tient de rôle prédéfini et immuable comme dans les deux précédentes pièces; ici les fonctions se meuvent entre chacun, ou alors tous ont la même fonction. Car la liberté de chacun est proportionnelle à la perte de son autonomie, ce qui importe ici, c'est surtout le son global, collectif: les fonctions structurales disparaissent au profit d'une composition plus spontanée et plus communautaire.
Sur chacune de ces pièces donc, la réduction extrême du matériau sonore (on pourrait même dire la pauvreté du matériau) permet néanmoins un développement et un dévoilement maximal des potentialités propres à chaque son. Cette exploration sonique et d'allure spontanée est un refus ostensible de l'écriture verticale au profit d'une composition dont l'horizontalité, si radicale, est presque effrayante . La structure comme le sens de chaque pièce ne se dévoilent et n'apparaissent que très lentement tout au long de la pièce, voire de l'enregistrement dans sa totalité. Un disque hypnotique et télépathique qui explore plus l'espace et les connexions/relations entre chaque musicien que leur individualité/personnalité.
01-Rules are rules / 02-The great war / 03-An uncast wind