Toshimaru Nakamura - Egrets


TOSHIMARU NAKAMURA - EgRETS (Samadhisound, 2010)

Toshimaru Nakamura: no-input mixing board
Tetuzi Akiyama: guitar (2)
Arve Henriksen: trumpet (3, 5, 7)

01-Nimb Number 42
02-Semi
03-Tane
04-Nimb Number 43
05-Heater/Refrigerator
06-Nimb Number 44
07-Yura
08- Nimb Number 45

Nakamura est connu pour être LE spécialiste de la table de mixage bouclée sur elle-même, et cela fait maintenant de nombreuses années qu'il explore les possibilités de cet instrument. Publié sur le label de David Sylvian, EgRETS continue l'aventure en compagnie d'instruments classiques cette fois: une guitare et une trompette, soit Akiyama (qui a déjà collaboré maintes fois avec Nakamura, ainsi qu'avec Gunter Müller, Jason Kahn, et d'autres encore) et un membre fondateur du groupe minimaliste Supersilent, le norvégien Arve Henriksen.

Pour ce disque, la musique de Nakamura est assez riche et développée, de longues nappes sonores s'étalent, se déconstruisent ou sont progressivement enrichies. Pas de drones monotones ou de sinusoïdes, chaque nappe est soit constituée d'un matériau déjà riche, ou bien elle est enrichie par les collaborateurs de Nakamura. Durant ces pièces, c'est la notion d'espace qui paraît la plus importante, celui, objectif, qui est entre les musiciens, et qui les sépare, celui, intersubjectif, où se créé le dialogue, et qui les rapproche, enfin, celui qu'ils décident chacun d'accorder à l'autre, l'espace artistique, l'espace de création. Car Nakamura reste relativement discret sur chacun des duos, et accorde une place importante aux deux invités, que ce soit aux arpèges délicats d'Akiyama qui ne sont pas sans rappeler l'Eureka de Jim O'Rourke, ou aux jeux de souffle et de voix modifiés et filtrés par l'action des pistons de Henriksen. Derrière eux, avec eux, la table de mixage bourdonne, crépite, grésille, elle peut être parfois stridente, mais tout cela se fait en douceur sans empiéter l'espace de son interlocuteur. Mais lorsqu'il est seul, Nakamura semble plutôt se concentrer sur la notion de temps: la lenteur du déploiement des textures sonores s'oppose à la concision des pièces; et ce traitement singulier du temps nous plonge dans un sentiment d'atemporalité, de supratemporalité: dès lors, l'aventure devient cosmique.

Toutes les pièces sont relativement courtes mais vont à l'essentiel, rien n'est superflu. Car si je disais que le matériau de Nakamura est plutôt riche, c'est complètement relatif à ses autres enregistrements. Le matériau utilisé ici est toujours quelque peu réduit, mais c'est cette pauvreté qui permet une exploration sonore optimale qui ne sombre pas dans l'évanescence, où un temps digne de ce nom est accordé au déploiement et à l'exploration de chaque nappe sonore. Et ces nappes sont remarquables par leur clarté, car chaque élément qui les composent demeure toujours distinct et cohérent au regard de la progression des pièces.

Nakamura nous délivre ici un disque riche, intelligent, beau, fort et original. Riche pour ses trouvailles timbrales, intelligent de par ses structures et ses progressions, beau pour son son général, fort pour son traitement du temps comme de l'espace qui nous plonge dans une autre dimension, et original pour tout ce que je viens de dire...