Otomo Yoshihide, Axel Dörner, Sachiko M, Martin Brandlmayr - Donaueschinger Musikstage 2005/Allurements Of The Ellipsoid


Otomo Yoshihide, Axel Dörner, Sachiko M, Martin Brandlmayr - Donaueschinger Musikstage 2005/Allurements Of The Ellipsoid (NEOS Music, 2010)

Otomo Yoshihide: turntable, guitar, electronics
Axel Dörner: trumpet
Sachiko M: sinewaves
Martin Brandlmayr: drums

Ce quartet, c'est avant tout la rencontre internationale (Japon, Allemagne et Autriche) de quelques uns des plus grands représentants des scènes minimalistes et réductionnistes. Mais aucun ne s'est enfermé dans cette esthétique, Brandlmayr peut aussi bien jouer de la noise-rock (avec Radian), quant à Dörner, il a accompagné Schlippenbach dans son entreprise de réinterprétation des standards de Monk, tandis que Yoshihide et Sachiko naviguent entre toutes les avant-gardes ou s'amusent aussi à réinterpréter des classiques du jazz (Lonely Woman, Bells, Out To Lunch).

Les quatre "allurements" proposées ici se situent dans la lignée de l'esthétique dite réductionniste, aucun doute. Cependant, le Quartet de Yoshihide évite avec virtuosité l'ennui et les clichés: ce qui n'est pas donné à tout le monde dans le domaine expérimental... La première pièce est totalement abstraite et froide, c'est une sorte de sculpture du silence, où chaque intervention prend des allures d'épiphanie, à condition d'accepter le voyage et de rester attentif. Un jeu très pointilliste, savamment calculé et d'une précision chirurgicale, voilà quelques uns des ingrédients qui donnent tant de force à chaque son qui émerge du silence où de l'espace accordé par chacun. Puis le temps se rétracte et l'écoute se facilite dans une deuxième pièce plus courte qui nous offre plus de repères: quelques pulsations, parfois même des phrases mélodiques, des motifs rythmiques répétés de manière sporadique, la trompette de Dörner qui se maintient dans un même registre (presque mélancolique). Et enfin vient le second disque, qui est vraiment la partie la plus réussie à mon avis. Ce n'est pas que la gestion du silence et de l'espace soit une solution de facilité, mais je suis beaucoup plus touché par le relief de ces deux dernières parties. Fondamentalement, le langage n'a pas changé, c'est plutôt le temps qui s'est encore rétracté: le discours devient plus violent, plus virulent, il y a parfois une sorte d'urgence qui contraste complètement avec la sérénité du premier disque. Et c'est à partir de là que nous sortons des clichés. L'énergie du rock comme de la noise apparaissent, l'intelligence de la musique savante pointe, la virtuosité des techniques étendues propres au réductionnisme est conservée mais mise au service de la créativité des idiomes de l'improvisation libre. La construction devient plus collective, le son en tant que tel perd de son autonomie au profit d'une plus grande personnalisation, mais aussi au profit d'une création plus communautaire où l'on tend plus vers un son intersubjectif, où l'on se construit par rapport à l'autre tout en conservant sa singularité. 

Ces enregistrements peuvent comporter quelques longueurs dès que l'on se déconcentre, l'attention de l'auditeur est constamment nécessaire, ou alors on tombe facilement dans un ennui mortel. Mais dès que l'on accepte de jouer le jeu, on entre dans une musique riche, contrastée, et créative; une musique qui a l'intelligence de savoir organiser un matériau sonore peut-être déjà connu, déjà entendu, mais pas de cette manière. L'agencement, la configuration et la réunion de ces matériaux est frais, original et - je le répète - particulièrement riche. Hautement recommandé.