KONK PACK - The Black Hills (Grob, 2010)



Tim Hodgkinson: guitar, clarinet, elctronics
Thomas Lehn: analogue synthesizer
Roger Turner: drums, percussion

Petite chronique du dernier Konk Pack à l'occasion de leur imminente tournée française (plus d'infos ici). Depuis 1997, ce trio germano-anglais en est à son quatrième disque (tous publiés sur le label allemand Grob). Ses membres: le monstre Thomas Lehn (manipulateur extraterrestre du synthétiseur), Tim Hodgkinson,  un ex-membre du groupe de RIO Henry Cow (qui a également participé à quelques enregistrements d'Art Bears), et enfin Roger Turner (déjà chroniqué ici en trio avec Doneda et Russell), figure connue de la musique improvisée avec qui a déjà collaboré plusieurs fois Thomas Lehn.


Dans ce trio, Turner, plus que tout autre percussionniste, semble vraiment servir de cadre à ses deux compagnons, même s’il n’a que rarement de fonction rythmique à proprement parler. Car il est bien le seul à se maintenir dans un langage homogène (typique de l’improvisation libre), tandis que Lehn et Hodgkinson réinvente constamment le leur, notamment grâce aux nombreuses influences de Hodgkinson et à son polyinstrumentisme varié et éclaté, et aussi grâce aux possibilités infinies offertes par le synthétiseur analogique utilisé jusqu’à ses extrêmes par Lehn. C’est bien de l’improvisation libre, pas de doute, mais les frontières avec la noise et l’EAI, le post-punk, le RIO et la harsh noise se brouillent, sont constamment traversées et retournées, et cela de manière complètement naturelle, sans aucun artifice ni aucune volonté d’être apparenté à ces scènes desquelles ils s’écartent tout de même de par l’originalité de leur langage.

Dans les 7 pièces qui forment The black hills, l’intensité ne varie pas beaucoup, il y a presque constamment un véritable sentiment d’urgence et de surtension. Le mérite du trio est alors de savoir faire régulièrement contraster différents types d’énergies, qui, en retour, participent également à l’invariabilité de l’intensité. Que les improvisations soient lentes et aérées, ou rapides et serrées, qu’elles durent 5 ou 20 minutes, il y a toujours la même intensité qui les gouverne et les rend indistinctes les unes des autres, la succession et les transitions passent totalement inaperçues.  Et plutôt que d’utiliser une écriture contrapunctique, où chacun répond à l’autre, toutes les performances semblent être asservies à la maintenance de cette intensité ainsi qu’au son global. Il y a tout de même une part de dialogue, d’interaction, mais au bout de plus d’une décennie de collaboration, Turner, Lehn et Hodgkinson ont su le rendre parfaitement naturel, cohérent, logique et homogène. La force de ce dialogue est dans l’absence de rupture, n’importe quelle intervention est profondément inscrite dans le flux du discours collectif, mais tout en maintenant la singularité de son timbre et de sa voix.

Je l'accorde, il y a peut-être 1/3 du disque où ça sent l'essoufflement et la recherche infructueuse, où l'intensité commence à faiblir et se perdre. Mais hormis ceci, je salue tout de même ce disque, non pour l'originalité de son intensité, pour la fraicheur et la singularité d'un son qui doit beaucoup à Lehn et Hodgkinson. Et contrairement à Derek Bailey, Konk Pack ne refuse pas les idiomes, mais se les approprient sans complexes au contraire, ce qui n'est pas sans donner un certain tonus à leurs improvisations. Des musiciens qui font peut-être ce que l'on attend d'eux, qui ne prennent pas trop de risques, mais qui n'ont pas perdus de leur vigueur ni de leur énergie.

Tracklist: 01-the welcome / 02-saturn bar / 03-the grave / 04-the breakfast / 05-roof party / 06-the trees / 07-gin run