Looper - Dying Sun


LOOPER - Dying Sun (Another Timbre/Cathnor, 2010)

Martin Küchen: saxophone & pocket radio
Nikos Veliotis: cello & video
Ingar Zach: percussion

Dying Sun est le troisième enregistrement du trio minimaliste international Looper, publié par les labels Another Timbre et Cathnor. Composé de trois pièces, cet album n'a pas l'air centré sur l'improvisation, pas question de spontanéité, tout paraît minutieusement calculé et mûrement réfléchi. La première pièce, Grand reshift, est une introduction de 30 minutes construite sur un long drone imposant, immuable mais vivant. Quelques pulsations s'ajoutent de temps à autre, lentes ou rapides mais toujours d'une régularité mécanique, le saxophone projette des souffles, une radio grésille, le violoncelle est frottée très faiblement. Voici en gros les ingrédients qui permettent à ce drone de vivre, ils sont tous dispersés sporadiquement mais rationnellement, ils peuvent se répéter ou n'apparaître qu'une fois, mais jamais ils ne sont gratuits. Toute intervention est complètement au service de la musique, il n'y a pas de démonstration de virtuosité ou d'expression individuelle, la musique est pensée comme un son collectif avant tout, mais aussi comme une structure totale. C'est pourquoi les premières pulsations annoncent aussi la fin de la pièce, car le drone, progressivement, se transforme en un battement mécanique auquel participe tout le trio jusqu'à son essoufflement.

La pièce suivante, Hazy dawn, qui est cette fois beaucoup plus courte (8 minutes), se construit également sur une sorte de drone cette fois beaucoup plus mouvant, mouvementé comme une vague, avec la régularité naturelle que ce mouvement implique. L'ambiance est toujours aussi sombre, mais pas stressante ni oppressante. Puis Near eternity commence par quitter le registre jusqu'ici omniprésent des graves: une ligne aiguë et absolument immobile est constamment maintenue à laquelle s'adjoignent une infrabasse de plus en plus forte et quelques bruitages de Küchen. Le titre de ce morceau aurait en fait pu être le titre de l'album, tant la dilatation du temps nous rapproche de l'éternité.

Un temps dilaté, des structures cosmogoniques et organiques, un langage épuré mais riche, un timbre aventureux, original et surtout accessible. Car le trio d'origine suédoise, norvégienne et grecque ne s'est pas réuni pour faire un musique abstraite et autiste, tout est joué avec sensibilité et semble vouloir être communiqué et partagé. Une musique qui peut sembler austère et froide mais qui demande quand même à être écoutée et intégrée par autrui. Looper a su créer un langage peut-être un peu abstrait car très épuré, mais qui n'en est pas moins vraiment original et surtout très ouvert, un langage qui ne s'épuise pas et qui semble pouvoir toujours être renouvelé.