JASON KAHN - Beautiful Ghost Wave (Herbal International, 2011)
Jason Kahn: analog synthesizer, mixing board, contact microphones, short wave radio and electromagnetic coils
Le label malaisien de Goh Lee Kwang nous offre régulièrement des recherches électroacoustiques de qualité et originales, et le dernier Jason Kahn - Beautiful ghost wave - ne déroge pas à cette règle. Après de nombreux enregistrements teintés de minimalisme, voire de formalisme ou de conceptualisme, cette nouvelle œuvre du compositeur suisse a quelque chose de plus rude et âpre, de plus brutal et frontal. L'atmosphère toujours saturée de cette unique pièce d'une trentaine de minutes est proche des productions harsh noise par certains aspects: une matière sonore parfois très agressive et une énergie virulente. Sauf que Jason Kahn ne se contente pas de superposer un maximum de fréquences inaudibles dans le seul but de former un mur de bruit blanc censé être joué le plus fort possible, afin de faire réagir l'auditeur de manière purement physique et épidermique. Au contraire, le traitement minimaliste que Jason Kahn pratiquait antérieurement sur les matières sonores l'amène aujourd'hui à juxtaposer les sons de manière très sensible, en accordant une place capitale à leur interaction et à leur mouvement respectif. Beautiful ghost wave est tout d'abord fondée sur une seule fréquence/bourdon(-nement) qu'on peut percevoir presque sans interruption du début à la fin, puis viennent se greffer des vagues successives, hétéroclites et dissemblables qui ne s'entrechoquent qu'avec délicatesse. Car ce compositeur suisse sait apprécier les sons à leur juste valeur, il leur laisse toujours le temps de se déployer, de vivre et de s'intégrer à la structure globale du morceau; de même l'apparition de chaque évènement sonore est minutieusement déterminée afin que jamais le changement ne soit trop brusque, ou tout au moins qu'il ne noie pas ce qui se passait précédemment. Cependant, Kahn n'hésite pas non plus à utiliser de nombreux contrastes dans les timbres ainsi que des reliefs au niveau de l'intensité, plusieurs fois, tension et saturation se résolvent presque dans le silence, puis de nouveaux éléments se superposent progressivement dans un mouvement incessant et éternel (peut-être est-ce pourquoi nous ne sommes pas face à une énième production électroacoustique aussi violente que soporifique).
Une pièce vraiment intéressante, riche et créative, qui laisse place à la sensibilité quand bien même elle se meut sur un territoire d'une violence austère.