Durant ces quarante-cinq minutes, la construction des sons est plutôt complexe, un groupe de quatre frotte ses cymbales à une certaine vitesse, puis un autre à une autre vitesse, etc., on retrouve encore l'aspect micropolyphonique. Il s'agit toujours d'une nappe sonore formée principalement par les archets, auxquels s'ajoutent quelques ondes sinusoïdales, mais son évolution est constante, sa vie est extrêmement dense. Les sons s'entrecroisent et s'enchevêtrent pour s'unifier dans une masse harmonieuse et puissante. Le son est en perpétuel mouvement à l'intérieur d'une dynamique monolithique, jusqu'à l'apparition surprenante et imposante des graines (à peu près à la moitié de la pièce) qui propulsent la nappe dans une atmosphère encore plus dense et intense, plus riche aussi grâce au relief qu'elles apportent. Après un climax aux deux tiers de la pièce, le silence intervient, apportant lui aussi une sorte de relief, un relief négatif ai-je envie de dire, bien que ce soit impropre, car le silence ne s'oppose pas à la musique ici, il lui est inhérent, voire essentiel. Les graines sont disséminées de plus en plus parcimonieusement, jusqu'à ce que la cymbale ne puisse plus résonner, et que le silence puisse intégrer l'œuvre. Une partie beaucoup plus calme où le silence ponctue des cellules très calmes de graines délicatement déposées sur les cymbales, mais où la tension ne fait qu'augmenter du fait du caractère inattendu de cette apparition du silence et du calme. La nappe s'est ainsi déconstruite pour n'être plus qu'une succession de sons autonomes mais inextricablement liés par leur nature matérielle, la cymbale. Et le silence n'en finit pas de donner un relief oppressant aux sons générés par ces graines trop détendues par rapport au bruit qu'elles pouvaient initialement produire.
En trente sections Michael Pisaro explore une infinité de potentialités à partir d'une seul source sonore, la cymbale. Quelques résonateurs, un archet et des graines, et les combinaisons proposées durant ces cellules complexes déploie une étendue sonore inouïe. Du métal comme on en a jamais entendu, du métal qui ressemble parfois à de la pluie, parfois à l'océan, mais qui n'a jamais le caractère abrasif et agressif qu'on lui prête facilement. Ce complexe de combinaisons minutieuses déploie une nappe extrêmement riche et dense, intense et vivante, organique et cohérente, une nappe qui retourne progressivement à son autonomie et à son individualité durant la dernière partie. Encore une fois, Pisaro surprend par sa gestion de la durée grâce aux sons maintenus et au silence notamment, une durée toujours aussi subjective et individuelle peut prendre place durant cette pièce fantastique et inouïe qui a bien su déployer et exploiter les ressources et les potentialités soniques de la cymbale. Recommandé!