Autant le dire tout de suite, Preston Hollow est un album magnifique! Une oeuvre délicate, sensible et pleine d'émotions, mais également créative et très aventureuse. Difficile de savoir quelle est la part de composition et d'improvisation durant cette pièce, mais qu'importe, la réunion de Barry Chabala (guitariste et compositeur proche de Wandelweiser) aux field-recordings, à l'électronique et à la guitare, et d'Anne Guthrie au cor, est une excellente réussite; une réussite directement publiée par le propre label de Chabala, Roeba.
Une seule pièce est jouée par ce duo, une pièce plutôt courte (35 minutes) mais véritablement intense. "Christmas Candlelight" est d'un certain point de vue une pièce linéaire, mais où plusieurs dynamiques se croisent et se superposent, puis se rencontrent et fusionnent. Tout d'abord, il y a un élément assez statique, les field-recordings répétitifs composés principalement de chants d'oiseaux. Et c'est sur cet environnement artificiel mais tout de même ancré dans une naturalité primaire que vient délicatement se superposer la délicate guitare de Chabala et le cor toujours aussi émouvant de Guthrie. La corniste déploie quelques phrases minimalistes tout au long de la pièce, des phrases d'une à trois notes tenues plus ou moins longuement où le rythme s'abolit dans des silences qui étirent le temps de manière merveilleuse et naturelle. Encore une fois, ce n'est ni froid ni austère, car les notes aux attaques volontairement déraillées et le jeu hésitant de Guthrie sont imprégnés de lyrisme, la puissance des émotions est alors proportionnelle à la retenue de son phrasé microtonal.
Mais l'intensité maximale est surtout atteinte lors des interactions entre le cor et l'électronique, lorsque Chabala forme des accords tonaux en harmonie avec les phrases de la corniste. Ces accords sont simples, évidents et naïfs, mais c'est certainement la durée qui s'est écoulée avant qu'il y ait véritablement eu un point de rencontre et de fusion qui leur confère autant d'intensité, de puissance et de pureté. Puissance qui avait d'ailleurs déjà été préparée par la rencontre de parasites électroniques ou de guitares préparées avec le jeu primal de Guthrie qui réduisait son cor à du souffle et des pistons à ce moment (une réduction des techniques qui lui permettait d'également de se rapprocher du chant primaire des oiseaux).
Magnifique dialogue électroacoustique qui propose un voyage poétique, délicat et extrêmement sensible. Un voyage à travers un territoire original qui mélange field-recordings, larsens, cor microtonal, bruits et tonalités, composition et improvisation. Une œuvre teintée par une mélancolie puissante et intense, d'une sensibilité à faire pleurer et d'une intelligence délicate et subtile dans sa simplicité. Hautement recommandé!