The Imaginary Soundscapes regroupe deux musiciens français, deux instrumentistes qui ne recourent qu'à l'électronique sur ce projet: Frédéric Nogray et Stéphane Rives. A way out by knowing smile est composé de deux pièces publiées par Ruptured, un label libanais spécialisé dans les musiques expérimentales produites au Liban, où vit Stéphane Rives depuis maintenant plusieurs années. Pour ce projet, ce dernier utilise des extraits de ses précédents disques ainsi que des field-recordings quotidiens qu'il mixe et retravaille; quant à Nogray, il travaille principalement avec des pédales d'effets.
Qu'est-ce que ces territoires imaginaires? La première pièce, Low, se base sur un drone profond et abyssal sur lequel s'ajoutent des interventions parasitaires comme des larsens, des ondes sinusoïdales, des interférences, etc. Un voyage pas toujours très rassurant, où l'ambiance très figurative et narrative évoque soit une invasion d'insectes robotisés, soit un territoire post-apocalyptique dévasté où la vie tente de reprendre cours. Une musique sombre et oppressante, parfois glauque et terrifiante, mais qui n'en reste pas moins d'une richesse et d'une profondeur époustouflantes. Les sons sont très bien développés et se mélangent de manière souvent symbiotique, le mouvement semble logique et cohérent, à travers cette forme linéaire qui permet le déploiement intégral d'un univers certainement très sombre, mais surtout très original. La nappe sonore créée par les deux musiciens ne ressemblent pas à grand chose, un composé hétéroclite de saxophones, d'hélicoptères, de parasites (électroniques qui rappellent les insectes). Progressivement, la nappe se complexifie et une multitude de sons émergent et remplissent l'espace, jusqu'à un climax intense et émouvant. Puis la tension redescend calmement, l'atmosphère se dégage, et la possibilité d'un retour à la normale semble émerger...
La seconde partie du disque, High, commence sur des hauteurs stridentes et mouvantes, proches du soprano de Rives, mais plus éthérées, moins métalliques. Différentes ondes sonores se rapprochent et se frottent, tandis qu'un drone circulaire fait surface. Comme dans la première partie, interférences et bourdon s'opposent et se soutiennent, chacun permettant le déploiement total de la sonorité de l'autre. Une sorte d'expérience physique du son, d'expérimentation délicate de phénomènes acoustiques étrangers à la musique mais qui deviennent tout de même de la musique par le biais de la mise en forme de ces projections sonores. L'atmosphère est toujours assez sombre, mais moins oppressante car moins chargée, comme si la lumière avait pu percer un brouillard électronique massif et menaçant. Peut-être plus apaisée, cette pièce conserve néanmoins les caractéristiques inquiétantes du premier enregistrement, l'ambiance est encore lourde et effrayante, comme la BO d'un film cyber-punk apocalyptique. Car par-dessus un drone assez harmonieux, différents éléments parasitaires, métalliques, électroniques, se frottent et deviennent facilement angoissant, stridents, et inquiétants. Et encore, même le drone finit par devenir inquiétant, et oppressant. Ceci-dit, l'espace est quand même plus ouvert et le temps plus dilaté, ce territoire imaginaire semble pouvoir plus facilement accueillir un auditeur, il y a même des repères acoustiques qui nous sont offerts comme des notes lointaines d'instruments connus, des fragments de mélodies fantomatiques, etc.
Pour ce premier disque du récent projet de Nogray et Rives, The Imaginary Soundscapes propose deux pièces intenses et denses, aux timbres profonds et originaux. Mais c'est surtout l'atmosphère obtenue par l'interaction magique des deux plasticiens sonores qui est singulière et prenante. Une atmosphère souvent sombre et pesante, mais tout de même complètement envoutante et ensorcelante. En attente d'aussi bonnes surprises de ce duo, A way out by knowing smile est vraiment à écouter.