Deuxième disque de la série ErstSolo après The Room de Keith Rowe, maruto est un enregistrement du spécialiste de la table de mixage bouclée sur elle-même, Toshimaru Nakamura. Cette pièce unique de 45 minutes commence tout d'abord par des vagues de crépitements et de grésillements quelque peu stridents. Des imperfections qui paraissent cependant épurées, comme des échantillons électroniques précisément travaillés, découpés et étalonnés. Les sons produits par Nakamura sont étonnamment maîtrisés et contrôlés, il n'y aucune place pour le hasard, la concentration est totale et les intentions sont claires. Passées ces cinq minutes de crépitements, un drone apparaît, un drone qui ne nous quittera plus mais qui évoluera, jusqu'à son extinction. Car Nakamura a choisi une structure contraire à nos habitudes, la dynamique de ce morceau est une forme d'intensité décroissante, plus le temps passe, plus les sons tendent à s'évanouir et à se rapprocher du silence. Un silence qui est formellement absent, mais qui, d'un autre côté, semble agir comme un aimant, un silence qui tend à absorber le son sans jamais y parvenir, sauf à la fin du disque.
La sobriété de la pochette correspond très bien à la musique de Nakamura, car tout au long de maruto, on peut sentir ces cercles linéaires, parfaits et purs, mis en reliefs par des graphismes sonores inattendus, denses et intenses à la fois. Une ligne se dessine et décline, mais une multitude de sons surgissent de temps à autre, comme pour maintenir en vie ces drones qui voudraient s'éteindre. Le matériau sonore est brut comme à l'habitude de Nakamura, un matériau composé notamment d'imperfections électriques, de buzz et de câbles électriques pris au piège dans une table de mixage, mais cet aspect brut n'enlève rien à la délicatesse de la musique. Car maruto est une pièce extrêmement sensible, et cette sensibilité à l'exploration sonique, propre à Nakamura, déploie un paysage sonore serein et contemplatif tout en utilisant des sons plutôt caractérisés par des formes de tensions et d'oppressions. Cette forme de compromis et d'équilibre semble donc également orienter maruto, qui réussit merveilleusement à déployer un univers où la grande opposition musicale entre la tension et le repos trouve un point d'équilibre rationnel dans le rapport de force entre la durée (le temps est complètement étiré et linéaire) et les propriétés sonores de chaque bruit émis (tension, stridence).
Je ne sais pas vraiment si maruto est une suite de sons agonisants ou une contemplation sereine du (dis-)fonctionnement de la table de mixage. En tout cas, la simplicité et le calme des bruits qui se succèdent de manière espacée sont vraiment très beaux, touchants, et prenants. Nakamura a su déployer ici un univers original avec des sons simples structurés à l'encontre de toute attente. Le paysage sonore est réduit et intense d'un point de vue, mais également dense et calme, voire mourant, d'un autre point de vue. Et c'est l'opposition entre ces aspects qui permet à maruto de gérer la durée tout comme l'équilibre tension/repos d'une manière singulière et créative. Une perle pleine de beauté, de calme et de simplicité au sein d'un univers aventureux rempli d'assurance et d'intelligence. Recommandé!