De manière très artisanale, comme on peut facilement le voir, Neil Davidson (guitariste originaire de Glasgow) et son compagnon percussionniste Fritz Welch ont édité de leurs propres mains quatre pièces enregistrées en 2009. Quatre pièces, par le duo énigmatiquement nommé With Lumps, qui durent entre deux et vingt minutes. Durant quarante minutes, le duo écossais propose donc des agencements de textures et de timbres souvent abrasifs et corrosifs, cordes préparées, peaux et cymbales sont frottées et raclées par des objets et des instruments divers, ou caressées par des objets motorisés, ou traditionnellement pincées et frappées. Dès le départ, une nappe de sons indistincts et symbiotiques se forme en toute simplicité grâce à une écoute très sensible et à une connaissance intuitive de l'autre. La plupart du temps, ce n'est pas du tout aisé de savoir qui fait quoi, hormis lorsqu'un bol tibétain est frappé ou lorsqu'une corde est pincée normalement. En général, les sons se mélangent en une texture tendue, un peu agressive mais aussi méditative en quelque sorte. With Lumps a certes quelque chose de violent et d'extrême, autant au niveau des textures et des propriétés du son qu'au niveau de l'intensité, mais en même temps, il y a une forme de sensibilité et de délicatesse dans l'écoute et le respect de l'autre, surtout quant à ses potentialités soniques et énergiques. Un dialogue mûr et réfléchi, fait de techniques étendues et d'univers sonores variés et multiples. Le jeu de Welch n'est pas sans rappeler Lê Quan Ninh par exemple avec ses assemblages de frottements et de percussions de peaux à l'aide de cymbales et d'objets divers, tout comme Davidson n'est pas sans rappeler un étrange mélange du jeu "non-idiomatique" de Bailey, et des préparations bruitistes de Keith Rowe, sauf qu'il n'électrifie jamais sa guitare, ce qui n'est pas sans lui donner une touche beaucoup plus personnelle et singulière. Car le son de ce duo, malgré des influences reconnaissables, est tout de même véritablement original et est fortement empreint de liberté et de spontanéité, sans peur d'embrasser des modes ou des styles de jeux et de techniques. Ces quatre pièces sont certes très marquées par l'improvisation libre européenne, anglaise notamment, elles refusent toutes formes de tonalités ou de rythmes d'un côté, mais semblent néanmoins accepter leur héritage sans complexe et elles semblent également l'avoir intégré et personnalisé de manière singulière.
Improvisations extrêmes et radicales, sans compromis mais tolérantes envers leurs ascendants, souvent violentes et corrosives, mais également sensibles et contemplatives afin de maintenir une forme d'équilibre dans les différentes intensités. Un album plein d'énergie, une énergie brute à l'image de la pochette, une énergie peut-être primitive et sauvage, en tout cas vraiment puissante. Mais surtout, c'est la qualité et la singularité des textures qui étonnent, ces textures peut-être désagréable mais d'une si grande richesse, riches d'innovations mais également de symbioses. La spontanéité et la liberté de ces écossais peuvent alors nous déplacer sur des territoires soniques transversaux, des territoires situés dans les interstices de plusieurs traditions et approches du son magistralement réappropriés par ce très bon duo.