COPPICE

COPPICE - Vantage/Cordoned (Caduc, 2014)
Paru également en CD sur le label de Mathieu Ruhlmann, Vantage/Cordoned est le dernier disque du duo américain Coppice (Noé Cuéllar & Joseph Kramer). Comme sur le précédent opus publié sur Quakebasket, Coppice continue de jouer sur son installation d'harmoniums préparés et de bandes. Des vieux harmoniums délabrés du 19e siècle, passés au crible de multiples filtres, bouclés sur des bandes, etc. Je ne comprends pas trop comment marche la musique de Coppice, et tant mieux, car c'est en grande partie ce qui fait sa beauté.

Encore une fois, le souffle est omniprésent, le souffle et toute la mécanique des instruments sont amplifiés, traités, mis en forme, samplés, modifiés, etc. L'acoustique et la mécanique de l'harmonium servent de base fondamentale aux compositions de Coppice, le souffle forme les mélodies, les notes forment des nappes assez drones, la mécanique produit des sortes de rythmique. Il y a un aspect très musical et concret dans ces deux pièces de Coppice, et pourtant, il y a toujours cette ambiance très énigmatique, flottante et lunaire, propre au duo, qui tend de plus en plus vers un son plus propre et lisse, plus digital. Coppice évolue dans des sphères inconnues jusqu'ici, des territoires sonores et musicaux comme on n'en a encore jamais entendu. Ca ressemble à une sorte de musique électroacoustique désuète ou décalée (temporellement), comme si un organiste bricoleur du 19e avait fait de la musique électroacoustique, ou comme si le fantôme de ce musicien revenait aujourd'hui pour faire de la musique électronique. Il y a une sorte de nostalgie et d'atmosphère fantomatique toujours présente dans ces compositions, dans les phases les plus abstraites (souffles purs) comme dans les parties plus mélodiques.

Vantage/Cordoned est peut-être plus axé sur le contenu et la recherche sonore que Big Wad Excisions (où l'écriture et la forme étaient vraiment primordiales), et il perd un peu en force de ce côté. Mais cette recherche sonore est tellement unique et magnifique qu'elle reste bouleversante comme le précédent opus de Coppice. Encore une fois, vivement conseillé, il s'agit d'une perle rare.

COPPICE - The Pleasance & The Purchase (Senufo, 2012)
The Pleasance & The Purchase est un 45 tours qui renvoient aux premiers enregistrements et aux premières explorations sonores de Coppice en 2010. Sur ces deux courtes pièces de 5 minutes chacune, le duo utilise un shruti box et deux ghetto blasters modifiés par Joseph Kramer. A ce moment-là, le son du duo était plus brut, plus noise. Le shruti box est utilisé comme une source sonore non-instrumentale, seuls les souffles et la mécanique sont amplifiés, les notes sont à peine perceptibles, et ce qui compte avant tout ici, c'est la transformation du signal par les bandes insérés dans le ghetto blaster. Coppice compose ici avec ce premier (d'une longue série) instrument à soufflet une musique très abstraite, aride, et abrasive. De la recherche pure avec tout de même un soupçon de musicalité apporté par les boucles des cassettes et les bourdons fantomatiques du shruti box. Mais de manière générale, l'atmosphère de ces deux pièces ressemblent plus à une sorte de field-recording étrange, plein d'insectes insouïs et de souffles lancinants.

Bien sûr c'est très court au total, mais j'aime bien tout de même ce format 45 tours qui permet de présenter rapidement un projet, avec un son excellent (mastérisé ici par Giuseppe Ielasi). La démarche de Coppice est ici posé : des instruments à soufflet modifiés de manière électroacoustique - principalement par des cassettes et des lecteurs modifiés et préparés. La démarche artisanale et exploratrice de Coppice est déjà là, la précision de l'exécution aussi, et la beauté de cette recherche est déjà saisissante. Belle introduction de ce qui formera ensuite une des formations essentielles de cette décennie.