Dave Seidel - ~60 Hz

DAVE SEIDEL - ~60 Hz (Irritable Hedgehog, 2014)
Le label américain Irritable Hedgehog continue son aventure dans les territoires minimalistes radicaux avec un disque d'un compositeur dont j'entends parler pour la première fois : Dave Seidel. Ce dernier est un ancien guitariste converti depuis dix ans à la composition par ordinateur, notamment par le biais du logiciel libre Csound, logiciel utilisé aux côtés d'Audacity (autre logiciel libre) pour l'écriture et la réalisation de ~60 Hz.

60 Hertz est la hauteur de la fréquence que La Monte Young (qui a profondément influencé Seidel) considère comme la note fondamentale. Une sorte de fréquence qui contient en puissance toutes les autres fréquences. Une fréquence basse, profonde, d'où dérive chacune des trois pièces présentées ici. Les deux premières contiennent donc une fréquence proche des 60hz, ainsi que des fréquences médiums qui apparaissent et disparaissent au fur et à mesure des pièces pour donner vie à la sinusoïde fondamentale, alors que la dernière ne contient presque que des fréquences basses. Tout le disque est construit uniquement avec des ondes sinusoïdales. Dave Seidel a composé trois pièces où il s'intéresse particulièrement à la vitesse des battements et des frottements entre deux ou trois fréquences. L'interaction et la superposition de deux ondes simples et pures, les plus simples et pauvres qu'on puisse imaginer, donnent naissance à une oeuvre pourtant très riche, dense, harmonieuse, belle, et poétique.

Si le point de départ est un instrument froid (l'ordinateur) et des outils austères (les sinusoïdes), le résultat est d'une chaleur et d'une richesse inattendues. Dave Seidel parvient à véritablement donner corps aux fréquences, il parvient à les faire vivre de manière musicale, à véritablement composer avec ce matériau volontairement réduit et épuré. Une sorte d'épuration et de réductionnisme qui sont loin du résultat, qui ne sont apparemment que conceptuels. J'aurais en fait du mal à dire qu'il s'agit d'une oeuvre minimaliste ici, le matériau l'est bien sûr, la forme proche du drone aussi, mais le contenu est tellement vivant et en mouvement perpétuel, il est tellement beau et dense qu'on ne peut écouter la musique de Seidel comme une musique simplement minimaliste.

Il ne s'agit pas de quelque chose d'hypnothique, de lancinant ou d'obsessif, mais au contraire de quelque chose de narratif et linéaire. Rien de statique, tout est mouvement dans ces trois pièces. On passe d'un état à un autre, de manière progressive certes, mais constamment. Dave Seidel propose une sorte de voyage dans le coeur des sinusoïdes, un voyage chaleureux, vivant, organique, et riche. Vivement conseillé.