Kevin Drumm & John Wiese [LP]

KEVIN DRUMM & JOHN WIESE - sans titre (Nihilist, 2010)
Publié en 2010 sur le label américain Nihilist, ce vinyle est la première collaboration de deux maîtres incontestés du noise américain : Kevin Drumm & John Wiese. Rencontre rêvée et à la hauteur de mes espérances comme de mes envies : c'est-à-dire une rencontre sombre, brutale, abrasive, et puissante.

C'est difficile de distinguer les outils utilisés par les deux musiciens : un ordinateur très certainement, quelques field-recordings par moment, un synthétiseur analogique pour les basses, peut-être un peu de bandes magnétiques et de cassettes, et surtout une bonne dose d'électricité saturée. Comme on peut facilement l'imaginer, le duo propose une musique ultra dense, massive, et brutale. Une musique où les deux artistes taillent dans le vif des parasites électroniques, sculptent des masses sonores numériques, et les arrangent pour en faire des courtes pièces ultra violentes, colossales, et intenses. C'est abrasif, corrosif, saturé, dense et immersif - comme la bande-son d'un délire paranoïaque d'un vétéran d'Irak ou d'un rescapé de Guantanamo. Mais plus simplement, il s'agit surtout de l'inventivité et du talent de deux musiciens électroniques qui savent composer et improviser avec le bruit, qui savent sculpter la matière bruitiste avec musicalité et qui savent s'écouter avec sensibilité.

La puissance de John Wiese et sa volonté de ne jamais s'arrêter et de toujours vouloir aller au-delà de sa puissance, le talent de Kevin Drumm pour composer des vraies sculptures bruitistes, des superbes compositions de larsens et autres parasites saturés - tout ça réuni en un seul superbe vinyle qui ne laisse pas indemne. Une collaboration juste, puissante, hallucinante, intelligente, immersive et brutale. En écoutant ce disque, je pense à un autre superbe vinyle qui réunit deux maîtres du collage de bandes : Aaron Dilloway & Jason Lescalleet, et bien là c'est pareil, la réunion de Kevin Drumm & John Wiese était nécessaire et devait se faire. J'imagine facilement la concentration et la joie de cette rencontre dans le studio de Kevin Drumm à Chicago en 2006 : deux musiciens qui étaient faits pour jouer ensemble enregistrent enfin, pour le meilleur comme pour le meilleur. Superbe moment de noise bien dur.