CHRISTOPH SCHILLER - Variations (another timbre, 2013) |
C'est ce que je pensais avant de l'avoir écouté en tout cas. Mais en fait, ça ne marche pas tellement, car Schiller utilise son épinette de manière très abstraite. Il l'utilise de la même manière que Coluccino utilise ses objets trouvés - comme une source sonore et rien d'autres, pas question d'entendre les cordes pincées. Schiller utilise d'ailleurs de nombreux objets non musicaux, métalliques souvent, posés sur l'épinette, seuls ou avec un piano, il utilise aussi un piano seul - mais que l'épinette ou le piano soit joués seuls, préparés, ou que seuls les objets soient utilisés, il est bien difficile de les distinguer. Il n'y a que du son pur, un long continuum interrompu seulement par des silences.
Pourtant, ce n'est pas la forme qui manque. Schiller a en effet bien pris soin de diviser ce disque en plusieurs parties articulées en fonction des instruments utilisés : épinette, épinette avec objets, objets, piano avec objets, piano. Des pièces symétriques qui s'articulent en fonction de leur sources sonores, mais qui ne se distinguent pourtant pas les unes des autres. Sa musique est plutôt envoutante et inhabituelle, on distingue parfois des sortes de notes, des sources instrumentales, mais qui sont noyées dans les préparations et les techniques étendues. Du son pur et innovant jaillit à tout bout de champ et forme des sortes de vers sonores collés les uns aux autres, sans oublier une part non-négligeable de silence.
Grand virtuose des préparations et des techniques étendues, Schiller manie aussi la forme et les structures avec autant d'inventivité et de sensibilité que le contenu sonore lui-même. Il en ressort une expérience perceptive étrange, créative, envoutante, et sensible. Un très bon disque.
SCHILLER/DANZEISEN - 47º13' N 7ºE (creative sources, 2012) |
Des improvisations réactives et énergiques qui explorent quand même un nombre assez impressionnant de techniques étendues et de préparations. Schiller surtout, s'emploie toujours à produire un univers sonore hors du commun, un univers abstrait de sons bruts, des bruits métalliques, des résonances de ressorts, bruissement des cordes frottées par des feuillages, etc. Et de son côté, Danzeisen utilise plus traditionnellement l'épinette, de manière atonale, par le biais du clavier ou en allant directement pincer les cordes à l'intérieur du cadre. Comme souvent dans l'improvisation libre actuelle, héritage du réductionnisme oblige, il y a des moments très calmes de pure exploration sonique, mais dans l'ensemble Schiller et Danzeisen jouent assez fort, avec énergie, varie souvent l'intensité et la densité du son, réagissent l'un à l'autre et se confondent souvent en une masse sonore de cordes surprenantes. C'est souvent quand les deux se confondent et s'éloignent le plus de l'épinette que l'improvisation devient intéressante et surprend par son côté aventureux. Mais dans l'ensemble, ce disque ressemble pas mal à une étude pour épinettes préparées et à une démonstration de techniques étendues.
Le dialogue entre les deux marche très bien, mais il manque la forme, trop faussement spontanée (ou galvaudée) et démonstrative à mon goût. Mais par contre l'exploration de l'épinette et la création de textures et de couleurs neuves sont assez saisissantes.