BUTCHER/BUCK/MAYAS/STANGL - Plume (unsounds, 2013) |
Le premier trio (Butcher/Stangl/Buck) évolue à la croisée de deux chemins, entre l'improvisation libre non-idiomatique et le réductionnisme. Il s'agit d'une improvisation qui se joue beaucoup sur l'interaction et le réactivité, sur une tension permanente, et sur la recherche sonore. On y trouve de nombreux dialogues rythmiques et beaucoup de prises de risque. Car s'il y a de l'interaction, ce n'est pas toujours pour s'entendre. A de nombreuses reprises, Stangl ou Buck prennent le partie de complètement quitter la voie tracée par l'idée explorée sur le moment. Fidèles ici à l'esprit de Derek Bailey, ils osent souvent s'aventurer, de manière spontanée et parfois fantasque, là où on ne s'y attend pas. Si le jeu est trop axé sur les textures, Stangl peut à tout moment devenir mélodique, si l'intensité est trop forte, Buck peut laisser un vide n'importe quand, etc. Beaucoup de prises de risque, et des réactions toujours surprenantes, ce trio n'arrête pas de surprendre par son inventivité et son audace. Très bon.
Mais la deuxième formation est encore meilleure je trouve. Ici, la pianiste Magda Mayas remplace le guitariste Burkhard Stangl et son influence se fait nettement ressentir. Il y a toujours des aspects aventureux et risqués durant ces quarante minutes, mais cette improvisation comporte moins de rupture et d'écarts, elle est plus linéaire, cohérente et continue. Moins individualiste, cette pièce explore plutôt des textures de groupe et des ambiances, auxquelles chacun participe de manière un peu plus effacée. Magda Mayas est quelqu'un de très surprenant, car sa musique est aussi discrète et réservée qu'hypnotique. On l'entend en fond, mais de manière subtile, c'est souvent elle qui dirige tout. Les couleurs et les textures qui sortent de son piano ne peuvent qu'envoûter, Butcher et Buck ne semblent pas avoir d'autre choix que de s'y fondre. Ils ne peuvent que soutenir les longs flux souvent magnifiques de Mayas, des flux sonores parfois mélodiques même s'ils sont abstraits ou bruitistes (et Butcher est aussi maître dans les mélodies abstraites), parfois purement timbraux. L'exploration continue de nouvelles couleurs est saisissante, souvent très belle et très prenante, toute en tension, elle est franchement hypnotique et obsédante. Un régal.
Deux pièces vraiment différentes, où les musiciens semblent aussi à l'aise sur les terrains de l'improvisation libre non-idiomatique que du réductionnisme, de la réactivité et de l'exploration, selon les formations auxquelles ils appartiennent. Deux improvisations très riches, souvent risquées et aventureuses, qui ne manquent ni de virtuosité, ni d'écoute, ni de créativité. Recommandé.