WILLERS/KNEER/MARIEN - Nullis Secundus (creative sources, 2012) |
Les neuf improvisations proposées sur Nullis Secundus sont assez variées donc. Mais la plupart du temps, c'est surtout énergique et réactif. De nombreux éléments se côtoient, dans un jeu de question-réponse loin d'être homogène, mais où l'écoute est tout de même sensible et attentive. Une superposition de modes de jeux et d'esthétiques compose ces improvisations, méthode assez courante et de plus en plus lassante. Ce n'est pas vraiment mauvais, mais c'est pas non plus palpitant ni très excitant : les trois instrumentistes mettent beaucoup d'énergie dans leurs improvisations, leur jeu est plutôt intense, mais ces impros manquent souvent de tension, manquent d'un quelque chose qui maintienne et retienne l'attention.
BLEAK HOUSE - Dark Poetry (creative sources, 2012) |
Bleak House est un trio qui sort de nulle part pour proposer du neuf : une musique que l'on pourrait qualifier de romantisme abstrait en quelque sorte. Le piano est la plupart du temps mélodique, il joue de courtes phrases cellulaires, aérées et modales, sur un tempo lent et aéré, où les couleurs des modes sont aussi importantes que les résonances des cordes. L'influence de Feldman (à qui une des pièces est dédiée) interprété par Tilbury ne semble pas loin pour ce trio qui propose des improvisations semblant imiter l’expressionnisme abstrait en musique. Sauf que les modes utilisés rappellent aussi bien Debussy que la construction en cellule répétitive peut faire penser à Feldman, et que de nombreux éléments proviennent aussi de l'improvisation libre et du réductionnisme. Car il ne faudrait pas oublier la présence de l'alto et des percussions qui soutiennent et amplifient les éléments abstraits, et leur confère une puissance lyrique surprenante, un lyrisme sonore qui va au-delà des mélodies aériennes et fantomatiques du piano. La musique semble décomposée, quand un des instrumentistes s'occupe d'explorer le timbre, l'autre s'occupe de la pulsation et le dernier de la mélodie. Une division du travail qui rend chaque élément exceptionnellement inense.
La richesse et la complexité des superpositions romantiques ainsi que le lyrisme sont présents aux côtés d'exploration sonore minutieuse et répétitive. Ce ne pas totalement abstrait, ni mélodique, l'important ne réside ni dans le timbre ni dans les couleurs, ni dans le système modal ni dans l'improvisation ; l'important et la force de ces 14 pièces résident surtout dans l'imbrication subtile et poétique de ces éléments. Un imbrication qui leur rend à tous un hommage poignant. Conseillé.
Goyvaerts/Morgan/Van Buggenhout - White Smoke (creative source, 2012) |
Le dialogue n'est pas évident entre les trois musiciens, leur monde n'a pas grand chose à voir, mais ils arrivent tout de même à créer une forme qui paraît paradoxalement aussi chaotique qu'unifiée. Chacun a son style, son approche, ses limites, autant d'éléments surtout déterminés par leur instrument, mais ils arrivent tout de même à s'unir grâce à une écoute très réactive et une interaction sensible où chacun place ce qu'il peut placer au moment opportun. D'où les nombreux dialogues à deux qui parcourent ce disque, d'où l'absence du troisième ou le cantonnement régulier à un rôle d'accompagnement. Tout n'est pas possible, et c'est cette difficulté à s'unir qui donne du charme à ce disque. Une difficulté surmontée surtout rythmiquement, mais aussi par des attaques similaires, une énergie toujours égale, et un humour commun. C'est pas mal du tout, même si je dois l'avouer, il se peut aussi que je sois surtout sous le charme de l'aspect complètement décalé et souvent humoristique, parfois carrément extraterrestre, de l'utilisation des synthés en impro libre - instrument que je trouverai toujours hallucinant...