ANDERS DAHL & SKOGEN - Rows (another timbre, 2013) |
L'idée de départ de Dahl pour ces neuf pièces assez courtes, c'était de revenir au dodécaphonisme, en le simplifiant, ou appliquer les méthodes réductionnistes à Schönberg en somme. Chaque pièce comporte les douze notes, et s'arrête là, pas question de créer des séries, il suffit de ne gravir l'échelle chromatique qu'une fois, dans un ordre déterminé. Seules les notes sont déterminées, et quant aux paramètres tels que la hauteur, le volume, l'attaque, ou la durée, ils sont laissés à la volonté et à l'inspiration des interprètes. Chaque musicien joue la série unique, de manière très libre, surtout avec les instruments indéterminés, et la pièce s'arrête dès que la série est terminée.
Le plus étonnant avec ces neuf pièces, c'est que malgré l'héritage dodécaphonique, ainsi que la directive de jouer son idée sans se soucier de ce que font les autres, chaque pièce surprend par sa chaleur et son humanité, par ses caractéristiques mélodieuses et concrètes beaucoup plus que formelles. Les neuf rows sont des pièces très calmes, aérées, justes, belles et envoutantes. Anders Dahl & Skogen sont parvenus à annihiler l'aspect mathématique et rigide du dodécaphonisme pour en arriver à une musique poétique et lumineuse.
L'aspect rigide est annulé par l'incertitude des instruments et de l'électronique : le frottement des cordes tout en retenue d'Angharad Davies et les objets ou larsens obligent. Une incertitude qui créer des frottements et des tensions incessantes, des moments de tension magnifique et organique. De plus, du fait que les durées soient indéterminées, les musiciens en profitent souvent pour produire des accords harmonieux quand ils le peuvent, ils laissent surgir des mélodies inattendues et poétiques, en faisant durer telle note qui s'accordera avec la prochaine. Mais c'est aussi l'opposition entre l'électronique abrasive et rugueuse et les mélodies instrumentales (ainsi que les variations de volume et d'intensité) qui rendent ces pièces profondes, et leur donnent des reliefs insoupçonnés.
Bref, neuf pièces faites de tension, de mélodie, de bruit et de note. De la poésie calme et lumineuse, aérée et profonde : neuf pièces envoutantes et vraiment innovantes. D'un côté, Rows s'inspire du dodécaphonisme pour l'écriture chromatique, de l'autre du réductionnisme et d'onkyo pour la concentration sur le timbre et les textures, mais aussi de Cage pour l'aspect indéterminé et ouvert de la partition, pourtant Rows est extrêmement original ne ressemble à aucune de ces influences, tout en leur étant vraiment fidèle. Recommandé.