Cette semaine j'écrirai encore à propos de quelques disques parus sur diafani, le label de Eva-Maria Houben. Il s'agit d'une ancienne sortie et des deux dernières publications, aux dernières nouvelles en tout cas, car vu le rythme des sorties (14 sorties depuis le début de l'année déjà), il est possible que d'autres sortent encore entre temps...
Le premier est un triple CD intitulé Six sonatas for piano, sonates composées et interprétées par Eva-Maria Houben elle-même. Il s'agit donc de six sonates, deux par disque, en trois mouvements qui n'adoptent pas forcément la forme sonate traditionnelle. Il n'y a pas de thèmes majeurs transposés en mineur, d'exposition et de réexposition, de structures habituelles en AABA et coda ou des rondos. Pas de manière claire ne tout cas. Le rapport aux sonates et à la tradition est assez inhabituel, car si Houben semble s'en écarter de beaucoup, elle compose tout de même chacune de ses sonates en trois mouvements distincts, trois mouvements caractérisés par leur pulsation surtout, et leur caractère.
Mais ce qui semble enchanter Houben dans les sonates, c'est surtout le rapport au piano. Car les sonates sont aussi l'occasion de mettre un instrument au premier plan. Et pour ceux qui ne connaissent pas trop Eva-Maria Houben, il faut tout même savoir que la fascination qu'exercent le piano et l'orgue sur elle semble pas loin du rapport mystique quelquefois. Cette fascination, c'est celle qu'exerce la manière qu'ont les notes de s'évanouir et de se projeter dans l'espace, la manière dont les sons apparaissent, disparaissent et se mêlent entre eux. Une fascination naïve et primordiale en somme, mais fondamentale.
C'est donc l'occasion au long de ces six sonates d'en explorer une multitude de possibilités. La pulsation est lente souvent, car il faut laisser à chacun des sons le temps de se déployer. Eva-Maria explore alors la résonance des accords, des notes seules, de la répétition d'un accord au sein duquel seule une note mélodique varie, de l'opposition entre les extrêmes, le soutien d'une note par la répétition moins forte d'une autre tout au long de sa durée, et bien sûr des pédales forte et de soutien, etc. Tout est prétexte a dévoilé la richesse du piano. Tous les modes de disparition des notes selon l'attaque, la durée, la pulsation, l’accompagnement tonal, atonal ou mélodique, la pédale, le silence, etc.
Les six sonates sont longues, elles durent chacune au moins 30 minutes, et l'écoute des trois disques à la suite peut se révéler austère. Mais prise en elles-mêmes, en-dehors du côté explorateur, elles sont toutes composées avec une grande subtilité, une grande poésie et de la finesse. L'écoute est plutôt agréable et moins formelle qu'elle ne le paraît ; ce n'est pas vraiment silencieux, ni tendu, les sonates d'Houben forment comme un long flux de résonance, un long flux d'évanouissements. Six sonates très belles, souvent émouvantes, et d'une richesse surprenante.