Ilia Belorukov & Kurt Liedwart - Vtoroi

BELORUKOV & LIEDWART - Vtoroi (Mikroton, 2013)
Kurt Liedwart est un musicien russe principalement connu pour ses activités de producteur, car il dirige le label mikroton. Cette fois, sur son propre label, on le retrouve aux côtés du jeune saxophoniste de Saint-Petesbourg Ilia Belorukov aux saxophone préparé, moteurs, micro-contacts, ipod & objets, tandis que Liedwart est crédité aux "ppooll" (je ne sais pas si c'est un clin d'oeil à Kurzmann, ou s'il utilise le même instrument/logiciel - mais en tout cas, on n'a pas vraiment l'impression d'entendre le même outil...), objets et field-recordings.  Si la discographie de Liedwart est encore bien discrète, Belorukov sort de plus en plus de disques, des projets variés dont la qualité devient de plus en plus évidente (je pense ici à son récent solo ainsi qu'à l'excellent cinquième volume de son projet Wozzeck).

Avec ce duo (dont un autre disque est sorti presque simultanément sur copy for my records), le talent de Belorukov se confirme encore dans un autre domaine, alors que celui de Liedwart s'affirme. Les deux musiciens russes évoluent sur un territoire abstrait et plutôt calme. Il s'agit d'un continuum de longs sons tenus, de field-recordings discrets, de longues harmoniques de saxo, le tout agrémenté parfois d'objets et de bruits divers, avec une place non négligeable également accordée au silence. Je pense qu'il s'agit d'improvisation sur les quatre pièces présentées ici, Liedwart & Belorukov explorent un territoire nouveau d'électroniques abstraites et silencieuses, lo-fi et mystérieuses - à l'image de certains américains (R. Kammerman, A. Guthrie, Coppice) ou coréens.

La musique de Liedwart & Belorukov se déplace sur un terrain glissant entre la musique instrumentale, l'installation sonore (avec l'utilisation de mini-amplis et de mini-speakers), l'électronique et le field-recordings. Toutes sortes d'ojets et d'ustensiles sont manipulés et utilisés durant ces pièces, mais on ne sait jamais vraiment tout à fait qui fait quoi ou comment, malgré les différences pourtant flagrantes entre les sources. Car chaque outil est utilisé pour en tirer un matériau des plus abstraits, des plus abrasifs aussi, tout en restant à des volumes généralement faibles voire très faibles. Que ce soit un saxophone ou des enregistrements, tout est ramené au même niveau que ces petits moteurs qui se déplacent, tout n'est que bruits qui s'accumulent pour former une suite assez narrative et continue.

Le son du duo est plutôt original, et leur approche des outils est très sensible et délicate, mais surtout, la musique est bien construite et on ne s'ennuie pas. Parfois très abstraite, la musique peut devenir plus claire et concrète à n'importe quel moment, ou l'inverse, de la même manière qu'elle peut devenir tout à fait silencieuse ou assez bruyante sans que l'on s'y attende ni que l'on s'en rende compte. La construction est précise, équilibrée, calculée et claire. Le son est créatif, saisissant et profond. Très bon travail, j'attends d'écouter la suite avec impatience.