MICHAEL THIEKE - Nachtlieder (Mikroton, 2013) |
La grande variété des esthétiques est peut-être ce qui caractérise le mieux cette suite très cinématographique. C'est le point fort de ce disque, mais peut-être aussi sa faiblesse. Car d'un côté, les compositions de Thieke ne cessent de surprendre, on passe d'une composition plutôt rock à un morceau aux allures de dub, en passant par des marches militaires proches de la B.O d'un western sans oublier la présence des nappes de son abstraites et des improvisations proches du free jazz. Chaque morceau a son lot de surprises, le groupe de Thieke sait toujours surprendre. Mais en même temps, en tant qu'auditeur, j'ai mes goûts prédéfinis, et même si c'est bien réalisé, j'ai parfois du mal à prendre au sérieux un morceau naïf comme "Dear Betty Baby" de Mayo Thompson (qui pourrait être signé Morricone), ou les approches dub de l'expérimentation. Et c'est ce qui fait sa faiblesse à mon avis - sans remettre en cause la qualité de ces pièces, j'ai juste du mal avec certaines esthétiques.
Mais au-delà des effets de surprises constants, ce qui est remarquable, c'est certainement l'unité de ce disque et sa cohérence. Le groupe de Thieke a beau multiplié les styles, l'ambiance est toujours la même : une atmosphère sombre, nocturne, un peu poisseuse, un brin décalée, proche de certains disques de Fennesz ou d'Oren Ambarchi. Il y a toujours un quelque chose qui dérape malgré la solide section rythmique : une nappe bruitiste, un drone dissonant à l'accordéon, une clarinette qui explose. Les atmosphères se ressemblent, l'ambiance glauque et décalée présente dès les premiers field-recordings de "Buy Berlin" se retrouve au fil des pièces et au fil des esthétiques.
Nachtlieder s'écoute facilement, ce n'est pas de la musique exigeante, non, mais elle est tout de même créative. L'atmosphère de chaque morceau ainsi que le timbre du groupe sont vraiment originaux, les compositions sont solides, et l'interprétation est sérieuse et rigoureuse. Du bon travail, ça vaut le coup d'y jeter une oreille.