THE ÄGG - sans titre (Found You Recordings, 2013) |
Une instrumentation qui a déjà de quoi faire frémir, mais qui donne un aperçu de leur musique. Pour le reste, il n'y a plus qu'à imaginer une sorte de renouvellement d'Ascension de Coltrane ou du Free Jazz d'Ornette, le tout repris par un ensemble qui a l'air tout droit sorti du Trout Mask Replica de Captain Beefheart... Enfin ça , c'est pour le côté improvisation collective et dissonance, deux aspects assez importants de ce groupe. Ensuite, pour se faire une idée plus claire, il faut aussi imaginer un groupe qui semble diviser en sous-sections, lesquelles jouent des sortes de motifs répétitifs tout au long de chaque pièce, ce qui donne aussi une sorte d'unité et de cohérence à ces improvisations. Chaque sous-groupe joue sur la répétition d'une note, sur une pulsation, mais les sous-groupes ne sont pas forcément calés les uns avec les autres, et c'est ce décalage tonal et rythmique qui rappelle cette sensation de liberté extrême propre au free jazz, comme l'aspect dissonant de ce décalage fait penser au travail de Captain Beefheart.
Pas de thèmes, pas de solo, pas de refrain, pas de grilles, pas d'harmonies, pas de pulsation. Et pourtant, The Ägg propose une musique très rock (avec ses pulsations fortes qu'il faut aller chercher au milieu de tout), très jazz (avec ses accents lyriques), très linéaire dans ses progressions semblables à des marches interminables, mais surtout très énergique et unique. Comme si le Magic Band de Captain Beefheart rejouait le Free Jazz d'Ornette, ce dont plus d'un d'entre nous a du rêver à un moment ou à un autre. The Ägg propose trois pièces sur ce premier vinyl, trois pièces qui durent entre dix et vingt minutes, trois morceaux sauvages, intenses, bruts, libres. Du vrai free rock, qui garde plus que l'intensité du rock et la liberté du free, du free rock avec les patterns bruts, binaires et forts du rock, mais aussi avec l'énergie collective du free, sa liberté et sa volonté de dépasser le passé. Comme une relecture rock et moderne d'Ornette et des orchestres free genre Alan Silva, ou comme un croisement étonnant entre Derek Bailey version rock orchestral et Captain Beefheart version free jazz. En tout cas, je pense que ça peut ravir les amateurs de tous ces musiciens, ainsi que beaucoup d'autres. Du très bon travail, ça vaut le détour.