CRAIG SHEPARD - On Foot (Wandelweiser, 2011) |
Les cinq premièrs extraits de ce projet sont de courtes pièces de moins de dix minutes. La première est un solo de mélodica réalisé par Christian Wolff, la deuxième un solo de clarinette par Katie Porter, la troisième un quartet avec Antoine Beuger (flûte), Jürg Frey (clarinette), Marcus Kaiser (violoncelle) et Tobias Liebezeit (percussion), la quatrième un solo de Frey, suivi d'un solo de Beuger. Contrairement à de nombreuses compositions issues de wandelweiser, les sons utilisés pour On Foot sont clairement mélodiques sur ces cinq pièces. Il y a toujours du silence, un silence qui révèle plus l'environnement de l'auditeur que celui des musiciens (pour remarquer celui-ci, il faut jouer le disque vraiment fort), mais entre ces silences, ce n'est pas juste du son, ce ne sont pas de longues notes tenues ni des bruits, ce sont bien de courtes phrases mélodiques, écrites la plupart en mode majeur, avec des rythmiques sautillantes. Shepard a bien écrit ses pièces en retranscrivant l'atmopshère que lui évoquaient les environnements dans lesquels il se trouvait, ainsi que son état d'esprit à ce moment j'imagine. Du coup, la plupart sont plutôt joyeuses et légères, et paraissent moins sérieuses que ce qu'on peut avoir l'habitude d'entendre sur wandelweiser.
Pourtant, la dernière pièce - la plus longue avec ses trente minutes, interprétée par Liebezeit aux percussions et Kaiser au violoncelle, montre très bien avec quelle science et quel sérieux ces pièces ont pu être écrites. L'équilibre entre le son et le silence est ici ultra précis, chaque son paraît arriver au moment idéal. Il ne s'agit plus vraiment de mélodie, à moins que ce ne soit une sorte de mélodie très étirée et plutôt solennelle (effets des cloches obligent), car chaque silence - qui dure presque une minute - est suivi d'un son de cloche accompagné du violoncelle qui joue les harmoniques de la cloche. C'est extrêmement précis, savant (et superbement réalisé : on distingue à peine le violoncelle tellement il se fond dans les résonances des percussions) ; Shepard sait vraiment comment écrire de la musique, qu'elle soit plutôt mélodique, plutôt abstraite, plutôt sonore ou silencieuse.
Quand j'écoute ce disque, qui se démarque pour son côté plus musical et mélodique, j'ai vraiment hâte d'écouter les nouvelles versions disponibles sur On Foot : Brooklyn. Shepard propose des pièces qui semblent vraiment bien interagir avec l'environnement dans lequel elles ont été composées, elles semblent en retranscrire un grand nombre d'émotions et d'atmosphères relatives. C'est beau, poétique, sensible, profond, et précis. Conseillé.