MICHAEL PISARO - hearing metal 1 (Wandelweiser, 2009) |
Sur ce premier volume, Pisaro s'intéresse avant tout à un énorme gong mesurant près d'un mètre cinquante, nommé "Mikrophonie", qui peut en soi faire penser à une sculpture étant donné sa taille monumentale, plus proche de l'oeuvre d'art que de l'instrument humain. Et qui dit une taille aussi grande pour un instrument à percussion dit également une gamme de possibilités soniques ahurissantes bien sûr. Durant une heure, c'est donc cette gamme de possibilités que Pisaro et Stuart vont explorer à travers trois pièces où se dessinnent trois territoires sonores et trois atmosphères bien distinctes.
La première des pièces, intitulée Sleeping Muse, est certainement la plus lumineuse des trois. Stuart frotte le gong avec un archet et développe une large gamme d'harmoniques durant vingt minutes. Il s'agit apparemment d'une mélodie en quatre parties, mais quatre parties tellement étirées que l'on distingue difficilement la mélodie en question. Ce qui marque avant tout, ce sont les longues notes tenues durant plusieurs minutes, toujours identiques mais extrêmement vivantes, des notes qui forment un territoire sonore en constante évolution du fait de la richesse des harmoniques. Puis, sur The Endless Column, Greg Stuart joue le gong de manière percussive et réduite. Le gong est frappé de manière assez régulière sans que ce soit pulsé non plus, il est frappé environ toutes les trente secondes, ce qui laisse du temps aux résonances, ce qui leur laisse le temps de s'enrichir et de disparaître. Cette pièce, beaucoup plus sombre, plus lente, plus dure, ne s'intéresse qu'aux fréquences centrales du gong, des fréquences comme sur toutes les pièces augmentées de sine tones. Il y a un aspect encore plus atemporel, moins mécanique et plus aléatoire, dans le déroulement de ces soixante percussions, mais on reste encore concentré sur la richesse harmonique du gong en question. Et quant à Sculpture for the Blind, la dernière piste et la plus riche de cette suite, mais aussi la plus courte (dix minutes), il s'agit cette fois d'un assemblement de plusieurs enregistrements et de plusieurs sinusoïdes. Huit enregistrements du gong frotté par un archet et trois sinusoïdes se trouvent assemblés, collés, superposés, pour former une sorte de bloc très riche et très dense, un bloc en constante évolution qui ne cesse de dessinner des territoires différents.
Les trois pièces sculptent ainsi chacune trois formes nettement différentes, de par leur couleur, de par leur atmosphère, et de par leur contenu. Pisaro et Stuart dévoilent d'une part une panoplie de possibilités sonores très larges, mais évoluent aussi sur des territoires précis qui ne semblent pas conditionnés par l'instrument. En entremêlant de manière indistincte sinusoïdes et harmoniques, et en composant le déroulement de ces pièces de manière très précise et déterminée, le compositeur Pisaro et le percussionniste Stuart nous amène sur des terrains très personnels, précis, intimes et créatifs. Très bon travail encore.