Sacred Realism est un jeune label géré par Bryan Eubanks et
Catherine Lamb qui semble surtout se consacrer aux nouvelles musiques
américaines minimalistes pour l’instant. Toute une génération marquée par les
musiques électroacoustiques, Wandelweiser et Michael Pisaro, le minimalisme
américain, le drone, et les musiques improvisées, se forme petit à petit, et
offre quelques unes des plus belles pièces que j’ai entendues.
Cette année, c’est au tour de Catherine Lamb de publier la réalisation d’une de ses pièces
composée et réalisée en 2012 qui s’intitule in/gradient. Pour cette
version, les interprètes sont Catherine Lamb elle-même à l’alto et aux
oscillateurs, accompagnée de proches collaborateurs : Andrew Lafkas à la basse, Tucker Dulin au trombone, et Jason Brogan à la guitare électrique. In/gradient est
à mon avis une superbe pièce de 55 minutes, une pièce très minimale, austère et
monotone, mais qui raconte une histoire passionnante. Quelle histoire ?
L’histoire d’un instrument qui joue une fondamentale, d’un groupe qui joue dans
le registre sombre du médium-basse, d’instruments qui évoluent dans la droite
ligne de la fondamentale pour la renforcer et lui donner plus d’éclat, et
d’autres (surtout l’alto) qui se désaccordent progressivement et perturbent la
linéarité de ces longues notes tenues. Les accords et les désaccords forment
des reliefs et des couleurs, de la même manière que les entrées.
Car c’est surtout le système d’entrée et de sortie qui forme
la structure de cette pièce. Un instrument joue une note, seul, avant d’être
progressivement rejoint par les autres, qui s’arrêtent également
progressivement. Et au bout d’un moment, c’est un autre musicien qui prend la
relève et assure la fondamentale, et le groupe répète cette structure. Les
notes jouées sont toujours dans le même registre (médium-grave), elles sont
attaquées de la même manière, au même volume (piano) et ont des durées
similaires (une longue respiration). La musique ressemble ici à une sorte de
rivière, au mouvement de l’eau avec ses flux et ses reflux, à l’harmonie de la
nature qui n’est pas exempte de chaos (les microtons).
En bref, Catherine Lamb a composé ici une longue pièce toute
linéaire, une pièce qui évolue sur des terrains harmoniques et microtonaux, une
sorte de composition minimaliste qui fourmillent de détails vivants et colorés.
Du très bon travail.
CATHERINE LAMB - in/gradient (CD, Sacred Realism, 2014) : lien