Au sein des nouvelles musiques improvisées, réductionnistes ou onkyo, et écrites, Taku Sugimoto figure parmi les musiciens les plus romantiques. Depuis Opposite, qui a marqué toute une génération de guitaristes et d'improvisateurs, la mélodie a reconquis un nouveau statut dans les musiques expérimentales, et elle est exploitée et explorée au même titre que le timbre, le bruit ou le silence. Silence, par ailleurs, qui est aussi devenu bien plus présent dans l'improvisation libre depuis ce fameux disque publié à la fin des années 90.
Tout ça pour dire que oui, Taku Sugimoto est un musicien hors pair, qui a eu une influence considérable sur les musiques expérimentales à partir des années 2000, et qui peut encore être quelque peu sous-estimé aujourd'hui encore. Et tout ça pour dire aussi qu'après deux superbes collaborations avec Pisaro (ainsi qu'un duo avec Moe Kamura que je n'ai pas encore écouté), je suis ravi de découvrir quartet / octet, son dernier disque publié sur Slubmusic Tengu, et quand je l'ai reçu, j'étais encore plus impatient de l'écouter rien qu'à voir les musiciens qui ont réalisé ces deux pièces : Klaus Filip aux sinusoïdes, Ko Ishikawa au sho, Moe Kamura à la voix, Kazushige Kinoshita au violon, Radu Malfatti au trombone, Masahiko Okura à la clarinette, Taku Sugimoto à la guitare, Taku Unami aux sinusoïdes, et Nikos Veliotis au violoncelle.
Le premier quartet est une miniature de 2 minutes 30 réalisée par Kinoshita, Sugimoto, Unami et Veliotis. Il s'agit d'une composition minimaliste à tendance néo-classique avec des notes de quelques secondes qui forment une mélodie jolie, onirique, et aérienne. C'est beau, sans aucun doute, mais si court qu'on l'oublie vite... C'est pour ça que je préfère largement octet, une version rallongée et plus espacée du quartet, avec les mêmes musiciens sauf Kinoshita, ainsi que Filip, Ishikawa, Kamura, Malfatti et Okura. Les instrumentistes jouent sur la même gamme de notes, une gamme qui forme des mélodies simples, des mélodies de trois notes, des mélodies reposantes, calmes, fluides, et qui possèdent un charme propre aux rêves et aux fantasmes. Les notes peuvent être plus longues, mais c'est surtout l'espace qui est plus austère. Les pauses de chaque instrument sont plus longues, beaucoup plus longues, et laissent la place aux souffles plus fins et subtils de Malfatti et Okura, aux très discrètes sinusoïdes de Filip et Unami, ainsi qu'aux harmoniques légères et aériennes de Ishikawa et Veliotis. Sugimoto, Okura, Veliotis et Kamura sont les principaux acteurs des mélodies, ils charment et envoutent grâce à la finesse, la légèreté et la subtilité de leur jeu, mais de son côté, le reste de l'octet produit une sorte de souffle encore plus fin, comme un tapis soyeux de bruits, de souffles, de ronronnements, qui accentue encore plus cette impression de flotter dans un rêve.
Aux premières écoutes, même si j'étais excité à l'idée de découvrir ces nouvelles compositions de Sugimoto, j'étais assez distrait et pas plus convaincu que ça par ce que j'entendais. Mais au bout de deux lectures seulement, assez rapidement donc, je me suis laissé complètement emporté par ces flux mélodiques et oniriques, par ces silences fantastiques et aventureux, par toute la légèreté et l'espace produit par ces pièces. Recommandé.
TAKU SUGIMOTO - quartet / octet (CD, Slubmusic Tengu, 2014)