Notebook (techniques of self-destruction) est une compilation des derniers travaux de Francisco Meirino qui contient aussi bien des rééditions que des commandes de Jérôme Noetinger, ou bien des inédits bien sûr, le tout enregistré entre 2012 et 2014. Une suite de huit pièces à propos desquelles il n'est pas facile de parler. Il s'agit d'électricité avant tout, de magnétophones usagés aussi, sans oublier les field recordings psychoacoustiques et déformés, et surtout, le bruit. Il s'agit de manipuler le son de manière analogique et numérique, de le manipuler pour composer une musique fantomatique, sombre, étrange. C'est assez calme, mais tendu, toujours. Une tension permanente propre à l'étrangeté des field-recordings, aux fréquences extrêmes qui parsèment le disque, aux modifications de la vitesse des bandes utilisées, à l'exploitation des parasites magnétiques et électriques.
Ce qui est passionnant chez Meirino je trouve, c'est cette faculté d'utiliser et de mélanger techniques et codes de plusieurs musiques, du noise et du drone bien sûr, mais tout aussi bien de la musique électroacoustique et acousmatique que du field-recording. Il compose sa musique avec des matières et des outils variés, différents, hétéroclites, mais tous se fondent dans la forme recherchée par Meirino. IL ne s'agit pas d'un hommage ou d'une tentative de reproduire ces musiques, il s'agit de se les approprier pour composer avec un nouveau langage, de nouvelles matières sonores et de nouvelles formes. Je ne peux pas ne pas dire que sa musique est sombre, moite, industrielle, nerveuse et continue, mais avant tout, s'il y a bien un adjectif que j'ai envie de coller à cette musique, c'est l'habileté.
Meirino mélange les formes et les outils, les codes et les esthétiques pour composer une musique nouvelle, forte, innovante. Une musique qu'on pourrait appeler du noise psychoacoustique et acousmatique, ou du field recording bruitiste et électroacoustique, ou je ne sais quoi. Je ne sais pas car c'est une musique singulière, difficile à cerner, et c'est bien cette difficulté et cet aspect hétéroclite qui font de la musique de Francisco Meirino une musique créative. D'un côté, elle ressemble à beaucoup d'autres musiques, noise et électroacoustique, et d'un autre côté, elle nous échappe, de par sa forme bigarrée, irrégulière, contrastée, très soigneusement conduite. Il y a quelque chose en plus, la personnalité avant tout, et un grand talent pour composer avec tous les sons possibles, pour composer une musique pleine de tension, de repos, de couleurs, de lumière et d'obscurité, de contrastes et de continuités, une musique finement écrite en somme. Conseillé.
FRANCISCO MEIRINO - Notebook (techniques of self-destruction) (CD, Misanthropic Agenda, 2014) : lien